Au Japon, le ministère de l'Intérieur vient de rendre public un chiffre qui met l'archipel en émoi. Le prix du riz a gagné 92 % par rapport à l'an dernier à cette époque. Cela veut dire que le prix du riz a quasiment doublé en un an. Comment cela s'explique-t-il au pays du soleil levant où le riz est l'un des principaux ingrédients alimentaires ?
Avec l'un des correspondants à Tokyo, Bruno Duval
Le prix du riz a commencé à augmenter l'été dernier en raison de mauvaises récoltes dues au réchauffement climatique. Ensuite, l'alerte au « mégaséisme » lancée par le gouvernement a aggravé les choses. Les sismologues redoutant un tremblement de terre majeur, les gens ont fait des stocks de riz, de peur d'en manquer. Le nombre record de touristes étrangers venant au Japon joue aussi. Ils consomment énormément de riz dans les restaurants.
Et puis, cette crise est aussi, pour partie, spéculative. Des cultivateurs, des distributeurs et des grossistes tardent sciemment à commercialiser le riz qu'ils possèdent, se disant qu'ils ont intérêt à retarder sa mise sur le marché puisque son prix de vente ne cesse d'augmenter.
Les consommateurs se serrent la ceinture« Avec une telle inflation, ça devient vraiment difficile de boucler ses fins de mois et de manger équilibré », se plaignent les Tokyoïtes. « Je manque du pain par exemple. Avant, moi, le riz, c'était matin, midi et soir, mais désormais, c’est une fois par jour, pas plus », confirme un autre habitant de la capitale. « La mort dans l’âme, je me rebats sur les pâtes et les nouilles. C’est pénible, mais il n’y a pas d’autres solutions. »
Face à cela, les autorités ont mis sur le marché depuis le mois de mars plus de 200 000 tonnes de riz provenant des entrepôts gouvernementaux. Où, un million de tonnes de cette céréale sont stockées en permanence pour gérer les conséquences d'une éventuelle catastrophe naturelle majeure, perturbant ou empêchant la récolte.
Sauf que ce riz déstocké ne se trouve pas dans tous les magasins, comme en témoigne ce détaillant : « L'État fait livrer prioritairement ce riz aux hypermarchés, pas aux petits commerçants, et puis aussi aux restaurants : pour les touristes. Inutile de vous dire que cela suscite le mécontentement de mes clients ».
Les médias japonais parlent carrément de «révolte» « La révolte du riz », l'expression revient en boucle dans la presse japonaise en ce moment. Une expression qui renvoie à une page sombre de l'Histoire. En 1918, pendant trois mois, en raison du prix de cette céréale, il y eut des émeutes, des pillages, des grèves, des mises à sac de magasins, etc. Et la répression policière fut terrible : des milliers d'arrestations et la condamnation à mort des meneurs du mouvement.
Alors, 107 ans plus tard, la situation n'en est pas là. Mais l'envolée du prix du riz a fait dégringoler la cote de popularité du gouvernement à un niveau plancher – historiquement bas – dans les sondages. À quelques mois des élections cet été, la question du riz pourrait bien être cruciale dans la campagne. Si la situation ne s’améliore pas d’ici-là, elle pourrait avoir des conséquences importantes sur le plan politique.
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