エピソード

  • L’Indochine en toutes lettres et entre les lignes
    2025/09/07

    À travers les dires et les non-dits de la correspondance entre un officier de la guerre d’Indochine et son épouse restée en Lorraine, Adrien Genoudet exhume les fantômes de l’Histoire et d’une famille.

    L'áo dài est une robe traditionnelle vietnamienne. Et c’est cet objet, retrouvé dans une tombe dans un cimetière de Lorraine, qui est le point de départ du nouveau roman d’Adrien Genoudet : c’est parce que Simone, la fille de la défunte, trouve cette tunique magnifique, qu’elle va l’envoyer – une fois sa mère incinérée – à un de ses amis, le narrateur du roman. Simone accompagne le vêtement d’un vieux carton. À l’intérieur, un paquet de lettres retrouvées au fond d’un placard. L’étiquette qui figure sur le carton porte l’inscription « Nancy-Saïgon » : c’est elle qui donne son titre au livre.

    À partir de cette correspondance entre Simone et son mari Paul, le narrateur, reclus dans son studio du quartier asiatique du XIIIe arrondissement de Paris, relate le parcours de ce mari et de cette épouse éloignés de près de 10 000 km par la guerre d’Indochine (1946-1954).

    C’est en 1949 que le lieutenant Paul Sanzach embarque sur le Pasteur, un ancien paquebot de luxe reconverti dans le transport de troupes, gavé de soldats et de munitions. Départ de Marseille, arrivée au cap Saint-Jacques, ville de garnison et point stratégique pour les Français.

    Sur le bateau, le jeune officier remarque un étrange personnage, un gamin de la campagne, cible des brimades, des moqueries et même des coups de ses camarades. Un être dont la jeunesse, la maladresse et l’apparence timorée le touche : à son arrivée, il en fera son ordonnance.

    À lire aussiLa Révolution d’août 1945 : la naissance du Vietnam contemporain

    Les deux hommes et leurs camarades rejoignent le poste de Co May, camp aux allures de hérisson érigé au milieu des rizières. Avec une mission : tenir, quoi qu’il en coûte, face au risque d’attaque du Viêt-Minh. À l’atmosphère lourde et moite du climat s’ajoute la peur de la chaleur, de la dysenterie et des autres maladies, et bien évidemment la peur de la mort, exacerbée lorsque la troupe part en opération au cœur d’une jungle hostile.

    Adrien Genoudet porte un regard sans complaisance sur le comportement de la troupe : la camaraderie virile, lourdingue et de circonstance, les beuveries et les dérives des soldats, shootés à l’opium et contaminés par les maladies vénériennes à force de fréquenter les bordels. Il n’épargne pas au lecteur les horreurs de la guerre : les interrogatoires musclés, les embuscades et les escarmouches, mais aussi la boucherie lorsque les mines explosent ou qu’il faut laisser sur place les cadavres, sans prendre le temps de leur offrir une sépulture décente.

    Ce qui frappe le narrateur – et à travers lui le lecteur – ce sont aussi les mensonges et les non-dits de la correspondance entre Paul et Simone : pour rassurer ou ne pas inquiéter l’autre, mais aussi parfois parce que l’on refuse de voir la vérité en face. Un autre stigmate du passé colonial français en Indochine.

    Nancy-Saïgon, d’Adrien Genoudet (Seuil)

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    19 分
  • Face au Covid, médecin de corps et d’esprit
    2025/09/06

    Pour son premier « roman du réel », l’écrivain-médecin David Deneufgermain s’inspire de son propre vécu de psychiatre à l’hôpital, en cabinet et dans la rue, aux côtés des SDF pour raconter les débuts de la pandémie de Covid-19 et le premier confinement en mars 2020.

    L’adieu au visage est présenté par les éditions Marchialy comme « une première incursion dans la fiction ». Un « roman du réel » écrit par un écrivain-médecin, psychiatre de son état, qui écrit depuis longtemps dans des revues littéraires comme Che Vuoi ? ou La moitié du fourbi ou dans des publications du collectif Othon – qui comprend notamment François Bégaudeau et Joy Sorman.

    À l’origine, il y a le journal de bord que David Deneufgermain a tenu de mars à mi 2020, dans les premières semaines du premier confinement décidé par les autorités françaises pour enrayer la pandémie mondiale de Covid-19. L’auteur a vécu cette période compliquée comme individu, comme citoyen, comme père de famille, mais aussi comme médecin, et plus précisément psychiatre. Chez lui, à l’hôpital, dans son cabinet ou dans la rue, avec les autres membres de l’unité mobile qui soigne les SDF, l’auteur s’est retrouvé confronté à ses propres peurs et à celles des autres et aux consignes, obligations et interdictions édictées par l’État et les autorités de santé françaises.

    Parmi celles qui a le plus marqué le praticien, mais aussi l’être humain qu’est David Deneufgermain, les dispositions funéraires. Les recommandations du Haut Conseil à la santé publique (HCSP) du 18 février 2020 se voulaient particulièrement radicale : afin de préserver de toute contamination les professionnels et les familles, elles interdisaient les soins funéraires et la toilette mortuaire. Elles prévoyaient aussi que le corps du défunt devait être déposé dans une housse avant une mise en bière immédiate et la fermeture du cercueil sans présentation aux familles. De quoi alourdir un peu plus la douleur et compliquer le travail de deuil des proches. Des mesures allégées un peu plus d’un mois après.

    Le livre plonge le lecteur au cœur des questionnements du médecin et des autres soignants de son entourage face à l’urgence, à l’angoisse et à l’horreur. Il raconte aussi la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne sanitaire tout en faisant preuve de toute l’humanité possible.

    David Deneufgermain raconte aussi les maraudes en ville pour venir en aide aux sans-abris que le narrateur et l’équipe du Samu social santé connaissent bien, pour la plupart et les conversations – souvent étonnantes – entre le personnage du psychiatre et ses patients, par téléphone ou par écran interposés.

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    19 分
  • En Corée du Nord, l’amour en cage
    2025/08/31

    Le nouveau roman de Nicolas Gaudemet, Nous n’avons rien à envier au reste du monde, nous fait découvrir la Corée du Nord à travers un amour impossible au parfum shakespearien.

    « Roméo et Juliette en Corée du Nord ». C’est l’inscription que les éditions de l’Observatoire ont choisi de faire figurer sur le bandeau de ce court roman (160 pages). Et force est de constater que la promesse est tenue tant les clins d’œil à la pièce de Shakespeare en rendent la lecture encore plus savoureuse.

    Rien de commun pourtant entre les amants de Vérone et ceux de Sinuiju, si ce n’est la profondeur et l’impossibilité tragique de leur amour, en raison de leur différence de milieu social. Le jeune lycéen Yoon Gi appartient en effet à une classe inférieure : sa mère travaille à l’usine et vend des produits chinois au marché noir pour gagner quelques subsides, en plus de son salaire. En revanche, les parents de la jeune et belle Mi Ran sont membres de l’élite du Parti ; son père dirige même les pêcheries de Sinuiju, ville septentrionale de la Corée du Nord, sur les bords du golfe de Corée, au bord de l’Amnok le fleuve qui sépare le pays de la ville de Dandong (province du Liaoning, nord-est de la Chine). Il a déjà choisi le futur mari de sa progéniture, un étudiant de la capitale, Pyongyang.

    Interdit est donc l’amour entre les deux personnages, d’autant écrit l’auteur, que « avoir un amoureux est proscrit hors mariage : cela peut (…) distraire de l’idéal révolutionnaire », au point que « flirter, même à l’université, ça vaut un renvoi ». Et ce n’est évidemment pas la seule interdiction dans ce pays où la chape de plomb du totalitarisme pèse sur la vie quotidienne. Si le roman évoque les pénuries de nourriture et d’électricité, il insiste surtout sur la propagande, le culte de la personnalité des Chers Dirigeants, la surveillance et la répression qui s’exercent sur la population, et notamment les lycéens. Il s’ouvre par l’exécution capitale d’un « traître » dans un stade, et relate aussi une séance d’autocritique qui n’exclut pas – loin s’en faut – la délation entre camarades. Le style indirect libre de Nicolas Gaudemet révèle aussi à quel point l’endoctrinement du parti communiste réduit à néant tout esprit critique, et fait régner un climat de terreur. Tout en accusant l’étranger, et notamment le Japon et les États-Unis, d’être responsable des problèmes du pays.

    Nous n’avons rien à envier au reste du monde, Nicolas Gaudemet (Éditions de l’Observatoire)

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    20 分
  • « Chroniques d’Haïfa », comment être Palestinien(ne) en Israël
    2025/08/30

    Chroniques d’Haïfa, histoires palestiniennes, le second long-métrage de Scandar Copti, raconte les failles, les secrets et les mensonges d’une famille palestinienne dans une ville du nord d’Israël.

    Le travail de Scandar Copti, auteur, réalisateur et acteur palestinien qui vit en Israël, vise à mettre en avant les problématiques des populations arabes en territoire israélien. Lui-même vit en Israël. Il est né à Tel-Aviv-Jaffa, mais son deuxième long-métrage se déroule à Haïfa, dans le nord de l’État hébreu.

    Chroniques d’Haïfa, histoires palestiniennes est centré sur une famille de Palestiniens d’Israël a priori sans histoire, qu’un incident presque anodin va ébranler, au point de révéler les non-dits et les mensonges qui la cimentent : l’entreprise du père, Fouad, doit affronter de graves difficultés financières ; le fils Rami apprend la grossesse de sa petite amie, une hôtesse de l’air juive ; la mère Hanan prépare avec ardeur le mariage d’une de ses filles en veillant à la réputation des siens, quant à l’autre fille, Fifi, elle entame sans grand enthousiasme une relation amoureuse avec Walid, ami médecin de son frère, qui lui fait la cour avec de plus en plus d’insistance.

    Le film, construit comme un puzzle, passe d’un point de vue à un autre, et favorise l’empathie du spectateur pour chaque personnage. Peu à peu, il découvre ainsi le vrai sens des événements, et à quel point le cadre politique et social façonne les destins individuels, parfois contre le gré des différents protagonistes. Peu à peu se dessine sur l’écran la difficulté d’être Palestinien au sein d’une société qui vit au rythme des fêtes juives et à l’unisson des soldats de Tsahal. Ce qui implique, aux dires de Scandar Copti, une forme de quasi-schizophrénie si l’on souhaite s’épanouir le plus possible. Le film évoque aussi les tensions entre générations, le rapport aux traditions et aux libertés individuelles et les préjugés qui ont parfois la vie dure.

    Fidèle à sa méthode « Singular Drama » mise au point lors du tournage d’Ajami, son précédent long-métrage, Scandar Copti a travaillé avec des comédiens amateurs, choisis en fonction de leur proximité professionnelle et psychologique avec chacun des personnages : par exemple, Raed Burbara qui incarne Walid est un vrai médecin, et c’est une vraie infirmière, Melrav Memoresky qui joue le rôle de Miri, une mère confrontée à la dépression de sa fille adolescente. Les acteurs n’ayant jamais lu le scénario, ils pouvaient ainsi réagir spontanément aux événements. C’est aussi pour cette raison que les différentes scènes ont été tournées dans l’ordre chronologique, avec le dispositif le plus léger possible. Tout cela afin d’obtenir le maximum d’authenticité.

    Chroniques d’Haïfa, histoires palestiniennes de Scandar Copti. Sortie française le 3 septembre.

    À écouter aussiLa question de la minorité arabe israélienne sur les écrans nationaux

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    20 分
  • L’Afrique sahélienne, en vert et avec tous
    2025/08/24

    Dans l’album « Dadji, de Dakar à Djibouti » (Futuropolis), Elodie Arrault raconte sa traversée de l’Afrique de Dakar à Djibouti, le long de la Grande muraille verte (GMV). Un carnet de route illustré par les superbes aquarelles d’un autre amoureux du continent : le dessinateur Joël Alessandra. (Rediffusion)

    La Grande muraille verte pour le Sahara et le Sahel, communément appelée Grande muraille verte (GMV), vise à lutter contre les effets du changement climatique et de la désertification en Afrique, et à transformer ainsi la vie de millions d’Africains à travers une mosaïque d’écosystèmes vers et productifs, de l’Afrique du Nord à la Corne de l’Afrique en passant par le Sahel.

    Il s’agit d’une barrière végétale, d’un couloir de plantation d’arbres, de 15 km de large, qui traverse l’ensemble du continent de Dakar (Sénégal) à Djibouti en passant par 11 pays, ce qui représente quelque 11,7 millions d’hectares.

    L’idée de GMV a émergé pour la première fois en 2002 à N’Djamena (Tchad) lors de la journée mondiale de lutte contre la désertification. Endossé par les présidents sénégalais et nigérians Abdoulaye Wade et Olusegun Obasanjo, le projet a été approuvé en 2005 à Ouagadougou (Burkina Faso), lors de la 7e session de conférence des chefs de gouvernement africains de la Communauté des États Sahélo-Sahariens (CEN-SAD). Et l’initiative a été officiellement lancée en 2007 par l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba (Éthiopie). Une nouvelle impulsion lui a été donnée en 2021 lors du One Planet Summit de 2021 à Paris (France) avec des objectifs ambitieux : restaurer, d’ici à 2030, 100 millions d’hectares de terres dégradées, créer 100 millions d’emplois en zone rurale, et séquestrer pas moins de 250 millions de tonnes de CO­­2 dans la végétation.

    À vélo, à pied avec des dromadaires ou en bus, et finalement -à son grand regret- en avion, Elodie Arrault nous fait découvrir sa traversée de l’Afrique d’ouest en est, de Dakar à Djibouti (d’où le titre de l’album Dadji, contraction du nom des deux capitales). Une épopée d’environ 8 000 km, un défi personnel et sportif, mais surtout une grande aventure humaine à travers laquelle elle est partie à la rencontre de nombreux acteurs de ce projet pharaonique.

    Citoyenne du monde passionnée par les arbres -elle a passé un diplôme d’oléiculture au Lycée agricole de Saint-Rémy-de-Provence (France)- Elodie Arrault se veut la promotrice d’une écologie joyeuse, portée par l’agroécologie, la sobriété heureuse de Pierre Rabhi et les récits du naturaliste, biologiste et explorateur humaniste Théodore Monod.

    C’est un autre amoureux de l’Afrique et de ses paysages, le dessinateur et voyageur Joël Alessandra qui prête ses talents d’aquarelliste à ce carnet de voyage pas comme les autres.

    Dadji, de Dakar à Djibouti, à la rencontre de la grande initiative verte panafricaine, d’Elodie Arrault et Joël Alessandra, est paru chez Futuropolis.

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    20 分
  • Gianni Agnelli, une vie sur les chapeaux de roue
    2025/08/23

    Dans sa nouvelle biographie Gianni le Magnifique (Albin Michel), Stéphanie des Horts nous raconte la saga de la famille Agnelli et de la Fiat, qui épouse l’Histoire de l’Italie du XXè siècle. (Rediffusion)

    « La saga Agnelli, passions à l’italienne ». Telle est l’inscription qui figure sur le bandeau qui entoure le livre écrit par Stéphanie des Horts, romancière habituée à conter les destins des grands et riches personnages du XXè siècle – elle a notamment beaucoup écrit sur les Kennedy. La photo qui figure sur la couverture de ce nouvel ouvrage fait d’ailleurs écho à son précédent ouvrage « Carolyn et John » : cette fois, on n’y voit pas John Kennedy, le fils de JFK, mais son épouse, la non moins célèbre Jackie, tout sourire aux côtés de Gianni Agnelli en bras de chemise sur le port de Ravello sur la côte amalfitaine, le 14 août 1962.

    À n’en point douter, l’héritier Agnelli a toujours aimé s’entourer de femmes, toutes plus belles, plus riches et plus influentes les unes que les autres. Le livre commence d’ailleurs par l’évocation de l’une d’entre elles, Pamela Churchill -la belle fille du Premier ministre britannique- qui elle aussi aura un destin, on ne peut plus romanesque. C’est elle qui prendra soin de lui quand il sera hospitalisé après un accident de voiture. Peu reconnaissant, il s’en séparera sans barguigner pour épouser la princesse Marella Caracciollo di Castagneto. Ce qui ne l’empêchera guère de continuer à mener une vie de playboy riche d’excès en tous genres avec d’autres figures de plus ou moins célèbres de la Riviera.

    Jusqu’au printemps 1966, Gianni Agnelli aura refusé de prendre formellement le volant de la grande affaire fondée par son grand-père Giovanni en 1899, la Fiat (Fabrica Italiana Automobili Torino). Une formidable aventure industrielle.

    L’histoire de la FIAT a épousé les convulsions de l’Italie mussolinienne, de la seconde guerre mondiale et de l’épuration qui a suivi. À lire Stéphanie des Horts, si Giovanni Agnelli s’est résolu à rallier le Duce dès son arrivée au pouvoir en 1922 – il le nommera sénateur à vie l’année suivante-, ce n’est point par rapprochement idéologique, mais par pur intérêt industriel. Il le paiera au demeurant, lorsque les ouvriers communistes de son entreprise se retourneront contre lui et demanderont sa tête à la fin de la guerre. Il fallut que les Alliés interviennent pour qu’il continue, avec son homme lige Vittorio Valletta, à tenir les rênes de l’entreprise, mais pour quelques mois seulement : il mourut en 1945.

    Après la guerre, c’est donc sous la présidence de Vittorio Valletta que le constructeur automobile turinois sort en 1955 la Fiat 600, et en 1957 la nouvelle Fiat 500 (19 ans après la Topolino de 1956, symbole de la voiture accessible en Europe), emblématique de la démocratisation du marché de l’automobile.

    Le récit de Stéphanie des Horts se termine lorsque Gianni s’installe enfin dans le fauteuil de son grand-père Giovanni, le 30 avril 1966. Il y restera jusqu’à sa retraite 30 ans après. Il meurt en 2003.

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    20 分
  • «Les Enfants Rouges», les bergers et les barbares
    2025/08/17

    Le nouveau film du cinéaste tunisien Lotfi Achour nous plonge dans la psyché d’une famille rurale traumatisée par l’assassinat d’un jeune berger par un groupe djihadiste. Un long-métrage inspiré de faits réels. (Rediffusion)

    Le 15 novembre 2015, un jeune berger de 16 ans nommé Mabrouk Soltani était assassiné et décapité dans la montagne de Mghila (centre-ouest de la Tunisie, non loin de la frontière avec l’Algérie) par un groupe de jihadistes. Son cousin avait rapporté la tête de la victime, que ses proches avaient conservée dans le réfrigérateur familial, dans l’espoir de récupérer le corps un peu plus tard.

    Le drame, relayé par les réseaux sociaux et des médias pas toujours décents, avait bouleversé toute la Tunisie et marqué une nouvelle étape dans la décennie noire que vivait le pays. Profondément touché, le réalisateur Lotfi Achour a voulu, en réalisant Les Enfants Rouges, témoigner à la fois de la barbarie terroriste et de l’abandon par les autorités des populations rurales et pauvres de cette région. Une manière de documenter, de transmettre, de faire réfléchir et d’interroger la mémoire collective.

    Le film reprend la dure réalité des faits et nous fait entrer dans l’intimité des familles endeuillées et frappées de stupeur. Un deuil et une sidération d’autant plus douloureux que sans le corps, il était impossible de donner une sépulture décente à l’adolescent tué.

    Lotfi Achour a choisi de plonger les spectateurs dans la tête de l’enfant survivant, nommé Ashraf dans le film. Le personnage, incarné par Ali Helali, est criant de vérité. C’est pourtant son premier rôle au cinéma, de même que pour Yassine Samouni qui incarne la victime – rebaptisée Nizar – ou pour Wided Dabebi, qui interprète leur amie Rahma. Tous trois sont originaires de la région, tout comme la plus grande partie des acteurs adultes. Dans le même souci d’authenticité, le film a également été tourné en dialecte local. D’autant plus important que le cinéma tunisien, d’après le réalisateur, a peu l’habitude de parler avec justesse du monde rural, mettant le plus souvent en avant les décors et les histoires urbaines.

    Dans cette même optique, le film met en valeur, par l’image et par le son, les paysages et la faune de cette région montagneuse, truffée de mines. Il s’en dégage une impression de dureté, mais aussi de beauté imprégnée de poésie et d’onirisme. Quant aux personnages, ils sont filmés sans misérabilisme, avec une humanité qui met en avant une souffrance, une colère et des interrogations pleines de dignité. Le franc sourire de Rahma apporte même – par petites touches – une inattendue touche d’espoir en l’avenir.

    Les enfants rouges de Lotfi Achour, au cinéma le 7 mai.

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  • «Les Vagabondes», ensemble à la guerre comme à la guerre
    2025/08/16

    À travers la rencontre et l’errance pleine de rebondissements de deux Allemandes que tout oppose, le romancier Florian Ferrier nous plonge dans l’Allemagne occupée et finissante des dernières semaines de la Seconde Guerre mondiale. (Rediffusion)

    En ce début de printemps 1945, les combats font rage sur le sol allemand. À l’est, le 16 avril, les Soviétiques commencent à encercler Berlin. À l’ouest, la 7e armée américaine a franchi le Rhin et les Allemands peinent à maintenir leurs positions. C’est dans ce contexte d’un IIIe Reich finissant que les deux héroïnes du roman de Florian Ferrier vont se rencontrer, et bon gré mal gré, devoir collaborer.

    La première de ces deux femmes s’appelle Ilse Wolfe. Elle a 22 ans et porte fièrement l’uniforme de la BDM, la branche féminine des Jeunesses hitlériennes. Fervente nazie, elle attend depuis longtemps l’occasion de se couvrir de gloire et accueille avec une certaine fierté l’étonnante mission que lui confie le général SS Prützmann : gagner Francfort en planeur avec un commando et enlever une écrivaine au nez et à la barbe de l’occupant américain.

    Cette écrivaine est la deuxième héroïne du roman. Hanna Meissner est une opposante de toujours au régime hitlérien. Son troisième roman La Leçon a remporté un immense succès, mais elle n’en a pas profité longtemps, car à leur arrivée au pouvoir, les nazis ont interdit et brûlé ses livres. Elle a dû trouver refuge de l’autre côté de la frontière dans un pays neutre, la Suisse. Et c’est dans sa retraite helvète que les Américains sont venus la chercher. Avec une idée précise en tête : lui demander de rentrer en Allemagne, de prendre la parole lors de réunions publiques et d’exhorter ses compatriotes à rejoindre le camp des Alliés.

    D’abord hésitante, Hanna Meissner se laisse finalement convaincre et entre dans Francfort, assise à l’arrière d’une Jeep américaine. Tout n’est que désolation : la ville est un champ de ruines et la population, profondément démoralisée par les bombardements, manque d’eau, de charbon et de nourriture. Au sein de la Wehrmacht, les désertions s’enchaînent. Certains civils se retrouvent sur les routes de l’exode.

    C’est dans cette Allemagne à l’agonie que les deux femmes vont devoir traverser ensemble, dans une errance pleine de rebondissements qui donne son titre au roman. Et nouer ainsi, par-delà leur différence de génération et leurs divergences idéologiques, une relation aussi forte que singulière, qui les marquera à jamais.

    Pour bâtir son récit, Florian Ferrier s’est inspiré de faits réels. L’écrivain a publié en 2023 toujours chez Buchet-Chastel Étoile Rouge, un autre destin au féminin, plongé dans le chaos de la Deuxième Guerre mondiale. Son personnage, Lenka, était inspiré de l’histoire vraie d’une tireuse d’élite de l’Armée rouge, le sergent-major Roza Chanina.

    Les Vagabondes, de Florian Ferrer, est paru chez Buchet-Chastel.

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