Dans ce nouvel épisode, au micro, je reçois Eve. Elle nous délivre les vingts ans d'une de ses vies, son parcours addictif, avec l' alcool au quotidien, ses consommations massives, ses "cuites" générant les dernières années de nombreux "black-out"; de son déni, puis de son "déclic", sa peur, sa honte, jusqu'à l'arrêt, l'abstinence. Eve, aussi passionnée de mots et d'écriture m'a demandé de partager avec vous les auditeurs son texte que voici, intitulé " le déclic". Alors, bonne lecture et bienvenus dans ce nouveau podcast qui nous l'espérons vous aidera un peu ! "Le Déclic pour arrêter de boire ! Quel a été le vôtre ? - La honte. De celle que j'étais devenue. Dépourvue de parole propre... Mentant aux autres et surtout à moi même. Leur disant, me disant, que je "gérais" ce que je ne gérais bien sûr plus du tout... Une consommation effrénée, irrépressible, nuisible, d'alcool. La honte encore, lorsque l'on me racontait ces nuits dramatiques au cours desquelles j'avais fait les quatre-cent coups, dont je n'avais aucun souvenir, perdue que j'étais au fond de trous noirs de plus en plus nombreux et rapprochés... Vertigineux. La honte toujours, la honte de chaque instant, de tant de choses, de trop, ou trop peu de mots. Une Honte majuscule en somme, noircie d'une culpabilité morbide. Désamour de soi, déni, souffrance continus, au quotidien, à chaque seconde, en chaque respiration. Pour moins souffrir boire, boire à nouveau, boire plus et plus vite, jusqu'à en tomber, tout en sachant combien cela m'était douloureux, périlleux, autant que cette ombre de vie devenue mienne. La conscience ? La peur ? Je ne saurai le dire. Sans mauvais jeu de mots, un cocktail des deux. LE déclic, sans doute.. Alors, Merci. Merci à ce "matin-déclic"du 14 septembre 2014, celui de ma "dernière" cuite, jusqu'à présent... En bien piteux état face au miroir de ma salle de bain, hagarde et enfin effrayée, je me suis vue puis regardée. En pensées, terrorisée, je me suis convoquée. "Soit tu continues et tu en crèves, soit, tu t'arrêtes." Je ne savais pas qu'après tant d'années à m'effacer à petits feux, subsisterait en moi ce dixieme d'étincelle d'envie de vivre, cet instinct de survie, inné, primitif. Animal. Et pourtant. Cela semble avoir fonctionné. Pas vraiment de mérite, l'envie était là, soudaine et nécessaire, un rendez-vous. Surtout, j'ai été bien accompagnée, je le répète avec gratitude. Merci. Fière? Pas encore. Contente de tenir quand même, et pour tout dire, quelque peu étonnée. Suis-je devenue une femme forte? Le temps le dira. La vigilance m'accompagne toujours, comme une amie bienveillante. Je sais qu'un verre en appellera irrémédiablement mille autres, alors je ne bois plus. J'ai bu, je l'espère, tout ce que je devais boire et puis, j'aspire à vivre. Au delà de l'arrêt d'alcool, il fût primordial de soigner le pourquoi de ma consommation, de rencontrer cet abîme intérieur. Un vrai travail analytique avec le soutien d'un personnel soignant plus que présent, dévoué dirais-je. Passionné. Guérie, libérée, arrachée à l'isolement, j'ai fait de belles rencontres et ai quitté les mauvaises. Nouvelle vie, nouvelles personnes, aussi. Je n'oublie pas, je n'oublie rien. Ces chapitres font partie de moi. Mots de mon histoire, ils ont aussi dessiné la personne que je suis aujourd'hui. Celle qui partage, sans honte cette fois, la musique de l'espoir retrouvé. Celle qui tente, à sa manière, d'etre présente pour ceux, pour celles qui en ont besoin, comme certains, inconditionnels magnifiques le furent à mon égard. Transmission, passage, relais. Recherche du Beau. Consolée d'un passé qui semble s'être mué en énergie de Vie et en Amour pour cette dernière. Vivant mes émotions couleur ou noir et blanc sans plus les taire ni les noyer en l'alcool et son insatiable répétition. En paix. En construction. En action. Bien que le chemin soit long, semé d'embûches, il est plus facile à parcourir à jeun, et puis, il est passionnant. Ce sera une découverte, de Vous. Le déclic aujourd'hui, c'est peut-être aussi ce battement spécial de mon cœur ému songeant à ceux que j'aime, présents pour et avec moi. Ce petit crépitement de bonheur que je ressens lorsque j'ouvre ma fenêtre, que je contemple le ciel assorti, avec un peu de chance, d'un franc soleil, que je ne suis pas saoule et que je respire la vie qu'il m'est donné de vivre.. C'est tellement plus beau de ce côté-ci... Je vous remercie pour cette question. Ma réponse est celle que j'aurai aimé pouvoir m'adresser quelques années en arrière. Du fond du cœur, je vous souhaite, vous souffle, le plus beau des déclics.Il existe, en Vous, il vous attend. Ayez confiance, et surtout, s'il-vous-plaît tenez-moi au courant. Bien à vous. Post-scriptum : une des questions récurrentes à un ancien buveur consiste à lui demander si ses soirées ne sont pas devenues plus ...
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