Il portera l’une des voix pro-européennes à la prochaine présidentielle en Roumanie. Nicușor Dan est notre Européen de la semaine. Le maire de Bucarest est candidat aux élections des 4 et 18 mai face au favori d’extrême droite, George Simion. Nicușor Dan tente le plus gros pari politique de sa vie.
Nicușor Dan tente sa chance dans cette élection à rebondissement. La présidentielle a été annulée au premier tour : le candidat pro-russe Călin Georgescu est soupçonné de financement illégal de sa campagne. Nicușor Dan s’est présenté en indépendant avec comme leitmotiv la justice sociale. « Je suis candidat, explique-t-il dans un clip de campagne, parce que la Roumanie est pleine d'injustices, on ne peut pas obtenir d'argent public, les impôts élevés sur le travail restent impunis, gaspillés par l'État, les enfants n'ont pas accès à l'école, les villages n'ont pas de médecins, les institutions sont faibles et les Roumains sont déçus par la classe politique actuelle. »
Nicușor Dan a eu une autre vie avant la politique. C’est d’abord un génie des mathématiques. Il remporte la médaille d'or lors des Olympiades internationales de mathématiques en 1987 et 1988. Nicușor Dan a aussi étudié en France. Mais c’est à son retour à Bucarest dans les années 90 qu’il se lance dans l’action sociale.
« Peu à peu, Nicușor Dan se dirige vers la défense de la vie urbaine saine en s'inspirant de plusieurs villes françaises, mais aussi en portant un projet associatif », rappelle Sergiu Miscoiu, professeur de sciences politiques à l’université de Cluj, en Roumanie. « Il fonde en 2006 l'association Sauver Bucarest qui se confronte directement avec les spéculateurs immobiliers. Il devient un peu connu en tant que militant de cette association. » Un combat qui l’amène jusqu’à l’Assemblée en 2016 puis, quatre ans plus tard, à la mairie de Bucarest. Son action contre les « mafias immobilières » de la capitale assure sa popularité.
Candidat surpriseÀ 55 ans, Nicușor Dana a vu une porte s’ouvrir devant lui. C’est au moment de l’annulation du premier tour en décembre dernier que plusieurs personnalités de l’USR, le parti libéral et europhile, lâchent leur candidate Elena Lasconi pour soutenir Nicușor Dan. Un coup de théâtre, un de plus dans cette élection. « J’ai été surpris, raconte Stelian Negrea, journaliste d’investigation à Newsweek Romania. Il venait de remporter un deuxième mandat à la mairie de Bucarest et son annonce a été une surprise pour tout le monde. »
Un candidat surprise… et atypique. Posé, calme, dans ses costumes passe-partout, « Nicușor Dan est tout le contraire » de la classe politique traditionnelle, note le professeur Sergiu Miscoiu. « Il réfléchit peut-être un peu trop, même pour certaines réponses, mais cela crée aussi l'impression de quelqu'un qui est découplé du système politique traditionnel et donc qui a une sorte d'honnêteté dans sa manière de fonctionner. » Il se présente comme intègre, mais il a été épinglé dans la presse pour sa proximité avec un homme d’affaires pro-russe. Très discret sur sa vie privée, on sait qu’il vit avec sa compagne sans être marié, ce qui pourrait le handicaper auprès de l’électorat traditionnel dans le pays.
Bien implanté à Bucarest, Nicușor Dan manque d’ancrage hors de la capitale. Mais ce ne sera pas un problème. « La Roumanie compte près de 9 millions de comptes TikTok », explique le journaliste Stelian Negrea. « Beaucoup d'entre eux vivent en zone rurale. Avec une campagne TikTok ciblée, on peut atteindre ces zones rurales, et cela ne devrait pas être un handicap pour lui. Chaque femme âgée de la campagne possède un compte TikTok et y est très active ! »
Si le candidat de l’extrême-droite George Simion est donné vainqueur du premier tour, l’élection va en réalité se jouer entre deux candidats pro-européens : Nicușor Dan ou bien Crin Antonescu de la coalition au pouvoir. Celui qui passera le premier tour est quasiment assuré de l’emporter au second.