エピソード

  • Haïti, une liberté très chère payée
    2025/06/13

    La mémoire du continent revient sur ce qu'on a appelé la « dette d’Haïti », 150 millions de francs or, double dette en comptant les intérêts, un étranglement des finances d’un jeune Etat coupable d’être libre face à un Empire français qui ne ménagera aucun effort pour lui faire payer l’éclat de sa victoire sur les troupes napoléoniennes.

    C’est l’histoire d’une rançon, d’une révolution sabotée, mais aussi d’un pays peu ménagé par d’autres puissances comme les Etats-Unis au début du 20ème siècle. Et une question restée longtemps taboue mais qui ne l’est plus, celle de la réparation.

    Avec la participation de :

    Jean-Marie Théodat, géographe, maître de conférences à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, co-auteur de "Après Vertières - Haïti, épopée d'une nation" (éd.Hémisphères)

    Myriam Cottias, historienne directrice du Centre International de Recherches sur les esclavages et post-esclavages - CIRESC

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    Elgas : Quel a été le rôle des Etats-Unis en Haïti ?

    Jean-Marie Théodat : On parle beaucoup de la colonisation française, de la rançon de l'indépendance imposée en 1825. On oublie que de 1915 à 1934, pendant 19 ans, les États-Unis ont occupé non seulement Haïti mais aussi la République dominicaine, et à côté, de 1916 à 1924, le Nicaragua. C'est un moment où l'hégémonie américaine commence à s'affirmer sur cette partie du monde. Et cela commence d'abord par la Caraïbe, et cela se traduit par des tentatives de nouvelles plantations, avec l'instauration d'un travail forcé qu'on appelait à l'époque la corvée. Et on considère qu'il y a eu plusieurs milliers d'Haïtiens qui sont morts les armes à la main pour résister à l'occupation américaine avec le martyre de Benoît Batraville et surtout de celui qui est considéré, comme je dirais, le nouveau Dessalines, c'est-à-dire Charlemagne Péralte le père du nouveau nationalisme haïtien. Donc il y a dans notre proximité géographique avec les États-Unis, on a envie de paraphraser le Mexicain Porfirio Diaz qui disait à la fin du XIXᵉ siècle Si loin de Dieu, si près des États-Unis, parce que dans la proximité américaine, nous vivons l'enfer.

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    39 分
  • Ngũgĩ wa Thiong’o : le Kikuyu comme arme contre l’Empire britannique
    2025/06/06

    Cap sur le Kenya à la rencontre de Ngũgĩ wa Thiong’o. Le romancier, essayiste et dramaturge au visage toujours souriant est aussi un combattant. Penseur engagé, il dénonce les héritages du colonialisme et s’engage, en abandonnant l’anglais au profit du Kikuyu sa langue maternelle, à défendre les langues africaines. Il y a des voix qui traversent les frontières, celle de Ngũgĩ wa Thiong’o en est assurément une.

    Avec la participation de :

    - Boubacar Boris Diop, écrivain et journaliste sénégalais, auteur de «Un tombeau pour Kinne Gaajo» (éd. Philippe Rey)

    - Maëline Le Lay, chargée de recherche au CNRS

    - Nathalie Carré, maître de conférence en langue et littérature swahili à l’Inalco (Institut national des langues et civilisations orientales).

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    Elgas : On sent dans la littérature des années 50 une grande énergie décoloniale. Je pense à Chinua Achebe et à son classique Le monde s'effondre. Que représente justement Ngũgĩ ?

    Boubacar Boris Diop : Ce qui le caractérise, c'est une puissante identité intellectuelle. Vous savez, chez tous les auteurs de cette génération et des générations d'après, il y a eu une espèce de consensus. On est tous contre la colonisation, mais à force de mais, néanmoins de trucs comme ça, ça devient vaseux. Pour moi, ce qui est vraiment intéressant chez Ngũgĩ, c'est la fermeté de ses convictions, une certaine radicalité. Et quand on le lit, parfois, c'est vraiment à la limite classe contre classe, en mettant le focus sur la paysannerie. Mais ça ne l'empêche pas d'être un très grand auteur. Parce qu'en général, lorsqu'on a une pensée aussi brutale, ça affecte la qualité littéraire des textes. Et ce n'est pas le cas avec Ngũgĩ wa Thiong’o. D'abord, c'est cette radicalité. Il est vraiment clair avec ce qu'il pense. C'est la centralité de la langue. Et ça, c'est au cœur de sa pensée. Qui peut oser parmi les intellectuels africains, écrivains ou pas, dire que les langues africaines ne servent à rien, qu'on ne devrait pas les utiliser. Tout le monde est d'accord sur ça, mais très peu ont, comme Ngũgĩ, mis cette question au centre de leur pensée.

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    Pour aller plus loin : "Rêver en temps de guerre", de Ngũgĩ wa Thiong’o (en cours de réédition aux éditions Project'îles et Africae)

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    39 分
  • Indépendances africaines: les voix de l’émancipation
    2025/05/30

    Hailé Sélassié empereur d’une terre « incolonisable », Ahmadou Ahidjo acteur en pointillé d’un berceau de la Françafrique, Habib Bourguiba précurseur de la sécularisation en Tunisie, Robert Mugabé grandeur et décadence, et Modibo Keïta l’anti-Françafrique. Voici quelques-uns des portraits que dressent un podcast de France Inter et un livre, tous deux intitulés Décolonisations africaines.

    Fortunes et infortunes, courage, vision, charisme, compromissions, désillusions… Bilan de décennies résolument décoloniales.

    Avec la participation de :

    • Pap Ndiaye, historien, ambassadeur auprès du Conseil de l’Europe et ancien ministre de l’Éducation nationale
    • Pierre Haski, journaliste et auteur de Décolonisations africaines (éd.Stock)

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    Elgas : Les décolonisations, c'est aussi des guerres, des luttes, le syndicalisme, les journaux, la littérature. La décolonisation de l'Afrique était inéluctable, écrivez-vous dans votre préface. Quels sont, à votre avis, les repères chronologiques, les faits majeurs qui annoncent justement cette libération ?

    Pap Ndiaye : Ce qui est frappant, en effet, c'est la rapidité du phénomène entre grosso modo l'après-Seconde Guerre mondiale et les années 60, voire les années 70 pour la décolonisation de l'Empire portugais. Ça se joue en quelques décennies, ça s'accélère, alors qu'en 1945, rien n'était réellement prévisible. Pourquoi cette nécessité ? Eh bien, parce que les événements du XXe siècle ont accéléré à la fois la demande, c'est le facteur principal, l'évolution des sociétés africaines surtout. À partir de l'entre-deux-guerres, les connexions accrues avec le monde américain, avec l'Europe, les circulations, les demandes aussi des anciens soldats des fameux tirailleurs sénégalais par exemple, qui reviennent en Afrique en 1945. Tout ça produit un effet d'ébullition politique, syndicale, sociale dans les sociétés africaines après la Seconde Guerre mondiale, avec les traductions politiques qui vont venir très rapidement.

    Plus de contenusAnniversaire des indépendances africaines

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    39 分
  • Omar Blondin Diop et les années de braise au Sénégal
    2025/05/23

    La mémoire du continent vous emmène dans les geôles du premier président de la République du Sénégal, Léopold Sédar Senghor, prisons où croupiront nombres de leaders politiques de l’opposition entre 1960 et 1973. Pour d’autres, cette privation de liberté sera coûteuse, elle emportera précocement et tragiquement Omar Blondin Diop, jeune révolutionnaire tenté de passer de la critique aux armes.

    Avec la participation de Florian Bobin, historien et auteur de « Cette si longue quête, vie et mort de Omar Blondin Diop » (éd. Jimsaan) et de Alioune Sall dit « Paloma », prospectiviste et fondateur et directeur exécutif de l’Institut des Futurs africains.

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    Elgas : Un mot sur le procès d'Omar Blondin Diop après son arrestation au Mali ?

    Florian Bobin : Oui, procès expédié sur deux jours. Il n'y a pas eu d'investigation, pas d'enquête, pas eu d'instruction. Omar Blondin Diop et Alioune Sall n'ont pas eu droit non plus à un avocat. Il s'agissait d'une juridiction spéciale, le Tribunal spécial de Dakar. Et donc tout a été fait pour les condamner d'avance.

    Programmation musicale : Mao Mao de Claude Channes.

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    39 分
  • Devoir de mémoire : la France face aux crimes coloniaux au Cameroun
    2025/05/16

    Cap au Cameroun du début du 20ème siècle aux années 70 pour explorer une séquence de l’histoire qui renferme son lot de blessures et de barbaries, l’engagement de la France dans la lutte contre les mouvements indépendantistes et d’opposition. La guerre coloniale au Cameroun, longtemps méconnue, est l’objet d’un récent rapport produit par une commission franco-camerounaise sur le rôle de la France dans cette lutte. Afrique mémoires d’un continent vous propose la radioscopie de ce rapport.

    Avec la participation de :

    Karine Ramondy, historienne, chercheuse associée à l'université Paris-I Panthéon-Sorbonne, a dirigé le rapport sur le rôle de la France au Cameroun entre 1945 et 1971.

    Nadeige Ngo Nlend, historienne à l’université de Douala au Cameroun, co-rédactrice du rapport.

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    Elgas : Quels sont les moments importants de cette lutte coloniale ? Les faits de guerre par exemple?

    Karine Ramondy : Ce qui est intéressant, c'est de rappeler qu'on est toujours dans une guerre asymétrique. On a toujours d'un côté des personnes, les Upécistes, les structures qu'on vient d'évoquer, que Nadeige vient de présenter très précisément, qui n'ont pas d'armes ou qui sont véritablement peu formées à la guerre, parce que c'est une guerre spontanée. Je rappelle quand même que l'interdiction de l'UPC a créé deux mouvements très forts, une prise du maquis pour ceux qui sont restés au Cameroun et un exil pour ceux qui ont choisi de partir. C'est une guerre où il n'y a pas véritablement de grands faits de guerre, parce que c'est, vous savez, ce qu'on appelle la petite guerre, la guérilla. Si je devais retenir comme ça deux éléments sur la période qu'on évoque, c'est le fameux massacre d'Ekité, donc à la charnière de 55 et 56 qui est un élément très important, parce que finalement, ça montre bien comment on essaie de maquiller un événement militaire du côté des sources militaires en un affrontement extrêmement anodin. Et puis à l'autre bout, on a le 13 septembre 58, parce que l'assassinat de Ruben Um Nyobe et l'exposition de son corps, c'est quelque chose de très fort qui montre qu'on ferme un cycle. C'est un cycle en effet de moment très violent, mais qui ne sont pas des faits de guerre héroïques.

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  • Frontières en Afrique : origines des tracés
    2025/05/09

    Objets de querelles, de représentations, de mythes, parfois de fantasmes, les frontières et leurs origines réelles divisent. Qu’est-ce qu’une frontière dans les sociétés africaines ? Que disent les langues comme le haoussa ou encore le songhaï de ces délimitations ? Que signifient dans leur philosophie ces notions comme le dedans ou le dehors ? Où s’achève la communauté et où commence le territoire étranger ?

    Avec la participation de l’historienne Camille Lefebvre, directrice de recherche au CNRS, auteure de Frontières de sables, frontières de papier : histoire de territoires et de frontières, du jihad de Sokoto à la colonisation française du Niger, XIXe-XXe siècles (éd. De la Sorbonne)

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    Elgas : Je voudrais qu'on parle de matérialité ou d'immatérialité. Peut-être parce qu'il y a des symboles qui parlent mieux de la question de la frontière. La nature peut être un élément. Par exemple, on peut voir des arbres, on peut voir un désert, on peut voir un cours d'eau. Avant la colonisation, qu'est-ce qui délimitait les espaces des royaumes et des empires ?

    Camille Lefebvre : Au XIXe siècle, dans cette région qui est aujourd'hui le Sahel central, on trouve toute une variété d'éléments qui sont considérés comme des frontières. Une frontière naturelle, ça n'existe nulle part dans le monde. Une frontière, c'est un artefact, c'est créé par les hommes. Donc, on choisit parfois des éléments de la nature, des fleuves, des arbres, des montagnes, mais ce sont des hommes qui choisissent, à cet endroit-là, de donner un pouvoir politique à un élément naturel. Donc dans cette région du Sahel central, au XIXe siècle, il y a parfois des rivières, il y a parfois des arbres qui sont considérés comme des lieux frontières, mais il y a parfois aussi des villes qui sont coupées en deux, avec d'un côté un pouvoir et un autre de l'autre côté. Donc, on trouve toute une forme variée de limites politiques.

    Programmation musicale : Maïga de Mali Yaro.

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    39 分
  • Bénin : Abomey, des palais et des rois
    2025/05/02

    Notre magazine pose ses valises à Abomey à l’heure où le Bénin investit dans la mémoire et appelle les fils du continent à la reconnexion avec les ancêtres. Elgas explore l’histoire sur près de cinq siècles d’un royaume structuré, puissant, expansionniste, avec ses reines, ses rois, ses Agojie…

    De Houegbadja le patriarche fondateur à Ghézo le stratège, en passant par Agadja le guerrier conquérant sans oublier le résistant Béhanzin, l’historien Gabin Djimasse vous guide dans le complexe des palais royaux.

    Avec la participation de l’historien et sociologue béninois Gabin Djimasse.

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    Elgas : Les palais sont vides aujourd'hui, mais ils ont une grande fonction symbolique et mémorielle et abritent d'ailleurs beaucoup d'expositions. Et les symboles, on les voit devant nous, montrent comment la vie royale y était organisée. Les rois ont-ils vécu dans ces palais ? Avec leurs femmes ? Leurs enfants ? Comment ont-ils administré leurs populations ?

    Gabin Djimasse : Les rois avaient droit de vie et de mort sur tous leurs sujets. Vous avez vu, les palais sont énormes. Ces palais classés au patrimoine mondial de l'UNESCO font 47 hectares répartis en trois grands blocs. Nous sommes sur le plus grand bloc qui fait 30 hectares. Ensuite, il y a le bloc Akaba qui fait près de onze hectares. Et le bloc Béhanzin qui fait six hectares. Et chaque palais est composé de trois grandes cours. Vous avez une esplanade, devant un grand vide, et vous passez un auvent d'entrée pour être dans la première cour. Dès que vous passez la première cour, vous entrez dans la deuxième cour où il y a la salle de réunion du roi et le lieu de libation, le lieu où on donne à manger aux esprits des rois défunts. Et quand vous quittez cette deuxième cour, vous tombez dans une troisième cour qui n'a plus d'auvent d'entrée comme les deux premières, mais qui a tout juste un portillon qui donne accès à une cour où le roi vit sa vie intime avec ses épouses et ses enfants. Les jeunes garçons, entre sept et dix ans, sont sortis systématiquement du palais pour être confiés au ministre de l'Intérieur ou au Premier ministre ou un ami du roi.

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  • Fleuve Sénégal, sur les rives du passé
    2025/04/25

    Frontière naturelle entre le Sénégal et la Mauritanie, le fleuve Sénégal est une source de vie pour les populations qu'il traverse depuis des siècles. Il a joué un rôle majeur dans le développement des civilisations d’Afrique de l’Ouest, en facilitant les échanges commerciaux et en soutenant l’agriculture et la pêche tout au long de ses 1800 kilomètres.

    Avec la participation de :

    Olivier Ruë, géographe spécialisé dans les zones littorales et docteur de l'Université Paris-Sud Orsay

    Ibrahima Bao, socio-anthropologue, enseignant-chercheur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis

    Luc Descroix, hydrologue, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), co-auteur de L'eau dans tous ses états (éd. L'Harmattan)

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    Elgas : Que symbolise ce fleuve Sénégal dans l'histoire pour ses premiers usagers ?

    Ibrahima Bao : Vous savez, les fleuves sont des supports d'activités matérielles et immatérielles, fluviales. Les hommes se sont toujours installés au bord des fleuves pour développer leur civilisation. C'est le support matériel. C'est tout ce qui est visible au bord de l'eau, comme la pêche, la navigation, les baignades mystiques, hygiéniques... Et puis tout ce qui est le patrimoine immatériel, les chansons, les incantations, les rituels, etc. Et si vous prenez un fleuve comme le fleuve Sénégal où dès le départ, c'était l'une des rares sources d'eau pour les villages et villes environnants et que le fleuve est peuplé d'animaux dangereux, les lamantins, les hippopotames, les crocodiles... Et donc, imaginez un enfant qu'on envoie chercher de l'eau au fleuve. Face à cette dangerosité, les maîtres des eaux ont développé tout un arsenal, tout un dispositif magique pour lutter contre ces animaux pour avoir un accès facile à l'eau. Au départ, c'était vraiment la source d'eau pour les populations environnantes. Donc il a fallu tout un arsenal magique magico-religieux pour maîtriser ces animaux dangereux.

    Programmation musicale :

    • Fleuve Sénégal de Daara J Family feat. Baaba Maal, Fatoumata Diawara, Noura Mint Seymali, Noumoucounda & Sékou Kouyaté
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    39 分