エピソード

  • Pourquoi de plus en plus de tortues sont piégées par le froid sur les plages du Massachusetts
    2025/12/17

    Aux États-Unis, un phénomène fait couler beaucoup d'encre et mobilise de nombreuses équipes de télévision : dans la baie du Cap Cod, sur la côte Est, des centaines de jeunes tortues marines s'échouent sur les plages.

    La baie du Cap Cod se situe au sud-est de la ville de Boston. Elle constitue l’extrémité sud du golfe du Maine dont les eaux chaudes attirent durant l'été des jeunes tortues marines qui y trouvent de la nourriture en abondance. Mais quand l'hiver arrive, la température chute. Les tortues se dirigent alors instinctivement vers le sud pour rejoindre les eaux plus chaudes. Seulement voilà : la baie du Cap Cod est délimitée au sud et à l'est par une presqu'île. La baie a de facto la forme d'un immense bassin dont la seule issue se situe au nord. Pour les jeunes tortues qui tentent de nager vers le sud, c'est un piège fatal.

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    Quand la température chute en hiver, les tortues sont en hypothermie

    Quand la température chute avec l’arrivée de l’hiver, les tortues se retrouvent en hypothermie. En tant que reptiles, ces animaux ne peuvent pas auto-réguler leur température corporelle mais dépendent entièrement des sources externes de chaleur. Quand l'eau de mer passe en dessous de 10 degrés, la situation devient critique : les tortues sont alors comme paralysées. Elles n'arrivent plus à nager, sont désorientées et dérivent jusqu'à ce que les vagues rejettent certaines d'entre elles sur les plages.

    Un phénomène habituel aggravé par le changement climatique

    En hiver, les riverains ont l’habitude de sauver les tortues paralysées des plages glaciales autour de la baie du Cap Cod. Il y a trente ans, randonneurs et défenseurs de l'environnement retrouvaient en moyenne une centaine de tortues par saison, entre novembre et janvier. Mais cette année, les autorités comptabilisent jusqu’à cent tortues par jour !

    Le changement climatique est en grande partie responsable de cette augmentation impressionnante. Durant les mois d'été, le Gulf Stream emporte les jeunes tortues des côtes du Texas et de la Floride vers le nord le long de la côte est américaine. Ces animaux marins se dirigent instinctivement vers les eaux les plus chaudes en quête de nourriture. Et la baie du Cap Cod se réchauffe plus rapidement que 99% des masses d'eau dans le monde, selon les données de la NOAA, l’agence américaine chargée de l’étude des océans et de l’atmosphère. La faute au changement climatique qui affaiblit le courant du Labrador, qui - normalement - devrait transporter les eaux froides de l'Arctique vers le sud et ainsi maintenir une certaine fraîcheur dans le Golfe du Maine. Donc plus la température de l'eau est au-dessus des normales en été et en automne, et plus de jeunes tortues débarquent dans la baie du Cap Cod.

    Opération de sauvetage de grande envergure

    Sur les plages du Massachusetts, une incroyable opération de sauvetage est en cours depuis plusieurs semaines déjà. Des centaines de bénévoles ratissent des plages jour et nuit pour retrouver ces animaux inertes. Les télévisions diffusent même des numéros d'urgence, joignables 24h sur 24, pour signaler des tortues en détresse. Elles sont ensuite prises en charge par des vétérinaires. Les soins sont longs. Les tortues doivent être réchauffées très lentement. Et il faut compter entre 6 et 8 mois avant qu'elles puissent regagner la mer. Or, les vétérinaires sont débordés par l'affluence autour du Cap Cod où l'on commence à manquer de place. Des chauffeurs et même des pilotes d'avion bénévoles ont donc commencé à transférer des tortues vers d'autres États américains.

    Parmi les espèces qui s'échouent sur les plages, on retrouve des tortues vertes et des tortues caouannes, mais dans la majeure partie des cas il s'agit de tortues de Kemp, classées « en danger critique d’extinction ». Dans ce contexte, chaque tortue sauvée est un espoir de reconstituer sa population et donc d'assurer la survie de l'espèce.

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  • Comment les universités britanniques coupent leurs liens avec l'industrie fossile
    2025/12/16

    Dans la transition écologique, les universités se doivent d'être exemplaires. C'est en tout cas l'avis de nombreux étudiants à travers le monde qui mettent la pression sur leurs établissements de l'enseignement supérieur. Sous le slogan « Université sans fossiles », ils réclament que leurs facultés coupent les liens avec les grandes entreprises pétro-gazières, principales responsables du changement climatique. Et au Royaume-Uni de plus en plus d'universités y répondent favorablement.

    Après plus d'une décennie de mobilisation des étudiants, les résultats sont là : le plus important, c'est qu'une large majorité des 147 universités britanniques ont fini par retirer leur argent de l'industrie fossile. « Au Royaume-Uni, les études universitaires coûtent très cher aux étudiants. Cet argent est ensuite investi par l'université dans le but de générer davantage de profits. Et historiquement, beaucoup d'universités ont investi dans des entreprises du secteur des énergies fossiles », explique Josie Mizen, co-directrice de People & Planet, le plus grand réseau étudiant au Royaume-Uni dédié aux campagnes pour la justice sociale et environnementale. « Au cours des dix dernières années, les étudiants ont mené une campagne majeure pour que leurs universités retirent ces investissements des énergies fossiles. Aujourd'hui environ 80% des universités britanniques l'ont fait ou se sont engagées à le faire. Cela représente environ 23 milliards de livres britanniques (soit plus de 26 milliards d'euros, ndlr) qui sont désormais hors de portée de l'industrie des combustibles fossiles ».

    Des liens profonds

    C'est un pas important. Mais les imbrications entre industrie fossile et les universités ne s’arrêtent pas là. Le secteur des énergies fossiles a par exemple influencé pendant des décennies le contenu même de ce qui est enseigné aux étudiants. « Des universités comme celles d’Oxford, d’Edimbourg et d’autres ont toutes invité des entreprises du secteur des énergies fossiles à les conseiller dans la construction de leurs cursus universitaires. Ou elles ont invité des cadres supérieurs d'entreprises pétro-gazières à occuper carrément des postes d'enseignants dans leurs facultés », détaille Josie Mizen. L'industrie fossile a aussi pour habitude de profiter des salons de recrutement organisés par les universités pour attirer les jeunes diplômés. Un piège, estiment les étudiants britanniques mobilisés, car il s'agit là, selon eux, d'un secteur sans avenir.

    Les entreprises pétro-gazières exclues des salons de recrutement

    « Dix-huit universités britanniques ont donc décidé de ne plus publier d'offres d'emploi de l'industrie des combustibles fossiles. Huit de ces engagements ont été pris rien qu’au cours de l’année dernière. C'est un mouvement qui prend vraiment de l'ampleur ».

    Pourtant les universités britanniques ont encore du chemin à faire, estime Josie Mizen. Notamment en ce qui concerne les projets de recherches universitaires, dont bon nombre sont financés par l'industrie fossile. « Il est évident que de nombreuses universités britanniques connaissent des difficultés financières », fait remarquer la co-directrice du réseau étudiant People and Planet. « Par conséquent, il peut être difficile de leur demander de refuser ces financements pour la recherche. Mais nous savons que l'industrie des combustibles fossiles au Royaume-Uni investit des millions dans la recherche universitaire qui sert ses propres intérêts et objectifs. Ces financements ne sont pas neutres. L'industrie fossile s'achète ainsi une légitimité ! Les universités n'accepteraient jamais qu'une entreprise de tabac influence leurs recherches sur la santé publique. Il est donc assez suspect qu'une entreprise de combustibles fossiles finance par exemple les recherches sur le changement climatique ».

    Les étudiants : l’avant-garde dans la lutte pour la justice environnementale

    Les mesures déjà prises par les universités britanniques révèlent en tous les cas le rôle moteur des étudiants dans la transition écologique. « Historiquement, les étudiants ont souvent été à l'avant-garde des mouvements pour la justice, comme la lutte contre l'apartheid en Afrique du Sud », souligne encore Josie Mizen. Aujourd'hui leur mobilisation pour plus de justice sociale et environnementale s'inscrit dans cette tradition, et ceci dans de nombreux pays à travers le monde, pas qu’au Royaume-Uni.

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  • Environnement: des accords de Paris à Bélem … Et après ?
    2025/12/11
    Toute cette semaine, à l'occasion du dixième anniversaire de l'Accord de Paris sur le climat, conclu le 12 décembre 2015, notre Question d’environnement est consacrée aux grandes étapes qui ont conduit à cet accord historique. Hier, nous évoquions les enjeux précédant la signature de l’accord de Paris en 2015. Aujourd’hui, retour sur la période allant de Paris à la COP30 de Bélem. Et cette question : et après? Le 12 décembre 2015, 195 pays signent l’accord de Paris, un traité international qui oblige juridiquement ses signataires à agir contre le changement climatique. Objectifs : ne pas dépasser les 1,5° degré d'ici la fin du siècle. Atteindre le zéro émission nette et aider financièrement les pays vulnérables à s’adapter au nom de la solidarité. Dix ans après, quel est le bilan ? « L'action climatique a été modifiée par l'accord de Paris, nous explique Michel Colombier, directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales. On a aujourd'hui des institutions, des plans, des mesures dans la plupart des pays qu'on a regardés. Et il y a un changement de trajectoire d'émission. Après, on sait que, pour l'instant, les pays ne sont pas sur la fameuse trajectoire de neutralité carbone à partir de la 2ᵉ moitié du siècle. Nous n'y sommes pas, donc il y a du mieux, mais il y a encore beaucoup d'ambition à gagner. » Financer l’adaptation des pays du Sud au changement climatique. C’est l’article 9 de l’accord de l’Accord de Paris. Plus que de solidarité, il s’agit de morale, car les pays du Sud sont ceux qui subissent le plus durement les conséquences du changement climatique alors qu’ils n’en sont peu ou pas responsables. Une enveloppe de 40 milliards de dollars par an leur est alors octroyée, mais jusqu’à présent ils n’en ont touché que 26 alors que les besoins augmentent. Pour les pays du Sud, la COP30 de Bélem était donc l’occasion de réclamer un triplement du fonds pour l’adaptation. Mais ils n'ont obtenu qu'une vaste promesse de triplement de ce fonds d’ici 2035, au lieu de 2030, et surtout sans aucune obligation pour les pays du Nord car ces États ne veulent pas payer seuls l’addition depuis le retrait des États-Unis de Donald Trump de l’accord de Paris. Pour les observateurs, Bélem marque donc un recul sur la question de l’adaptation. La sortie progressive des énergies fossiles. Elle a été actée lors de la COP de Dubaï en 2023 mais sans aucune feuille de route précise. Cette question a donc fait l’objet d’âpres négociations à Bélem. Pour contrer les États pétro-gaziers et la Russie, qui ne veulent pas entendre parler de sortie des fossiles, 90 pays - dits ambitieux - ont formé une coalition pour obtenir cette fameuse feuille de route sur la sortie du charbon, du pétrole et du gaz. Mais sans succès. Alors peut-on parler d’échec de Bélem à ce niveau ? « Les COPs sont là pour mettre une pression politique sur les pays, reprend Michel Colombier:. Ce qui est intéressant à Bélem, c'est le fait qu'un groupe de pays se soit dit : les énergies fossiles, nous, nous sommes persuadés que la seule solution c'est d'en sortir. Et ce groupe de pays s'est dit : on va se rencontrer au début de l'année prochaine pour une action de coalition. Et c'est dans ce cadre, à l'extérieur des Nations unies, qu'on peut avancer sur les sujets concrets de mise en œuvre réelle des politiques, de transition énergétique, de sortie des fossiles etc. » À lire aussiClimat: «Nous avons besoin d'action politique pour atteindre l'objectif de 1,5°C» Les COPs sont les seules enceintes pour maintenir le climat en haut de l’agenda, un endroit où tous les pays peuvent faire entendre leur voix. Mais le revers de la médaille, c’est que chacun défend ses priorités nationales et son modèle de développement. Bélem en est la parfaite illustration. Mais d’autres modes de négociations voient désormais le jour, pour le climat pour le futur et le bien être de l’humanité.
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  • Du protocole de Kyoto à l'Accord de Paris
    2025/12/10
    Toute cette semaine, à l'occasion du dixième anniversaire de l'accord de Paris sur le climat, conclu le 12 décembre 2015, notre Question d’environnement est consacrée aux grandes étapes qui ont conduit à cet accord historique. Aujourd’hui gros plan sur les enjeux pour aboutir à l’accord de Paris en 2015. En décembre 1997, la COP3 adopte le protocole de Kyoto, premier texte qui introduit des engagements contraignants pour les pays développés et les pays de l’ex-bloc soviétique, qui doivent réduire de 5 % leurs émissions de GES d’ici à 2012. Mais, pour entrer en vigueur, le Protocole de Kyoto doit être ratifié par un nombre suffisant de pays représentant un certain volume d’émissions. Or, en mars 2001, Georges W. Bush est élu président des USA, et il annonce que les États-Unis ne ratifieront pas le protocole de Kyoto. Une question se pose alors : que signifie un tel protocole sans les États-Unis, à l'époque premier émetteur de GES ? Cette sortie entraîne une forte décrédibilisation du processus auprès des pays en développement. Finalement, le protocole de Kyoto entre en application début 2005. Il a le mérite de mettre le changement climatique à l'agenda politique, mais de nombreux problèmes restent à régler. Michel Colombier est le directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales: « Il y avait un problème particulier qui était l'absence dans ce groupe de pays de pays émergents, notamment la Chine, qui était à la fois une condition pour un certain nombre de pays industrialisés de reprendre des engagements et une condition aussi pour faire revenir les USA à la table des négociations, qu'ils avaient quittée précédemment. Donc, il y avait vraiment un double enjeu. Un enjeu de retrouver les négociations avec l'ensemble des participants et un enjeu d'avoir un accord climat après 2012 parce que sinon Kyoto ne fonctionnait pas. » De 2005 à 2009, l’Union européenne préconise d’élargir le protocole de Kyoto aux pays émergents Les États visent la COP de Copenhague, en 2009, pour trouver une suite à Kyoto. Les enjeux sont énormes. Formuler un objectif à long terme. Décider de la forme juridique de l'accord, afin qu’il soit accepté par le Congrès américain. Mais, entre temps, la donne a changé et certains pays que l’on appelait émergents à l’époque se sont développés. La Chine, avec sa croissance à deux chiffres, est devenue le premier émetteur mondial de GES. Les pays du Nord aimeraient donc les mettre à contribution, mais les pays du Sud rappellent leur droit au développement et la responsabilité historique des pays du Nord. Tous ces éléments contraires vont provoquer le naufrage de la COP à venir, celle de Copenhague. « Elle se termine par un échec parce qu'on n'arrive pas à trouver un accord permettant à la fois aux pays émergents de rentrer dans l'action climatique, et en même temps de trouver une méthode pour organiser cette action, explique Michel Colombier, directeur scientifique de l'Institut du développement durable et des relations internationales. À Copenhague, un certain nombre de pays trouvent un accord. Mais ils le trouvent en dehors des Nations unies. Ils le trouvent en petit groupe de pays et l'Europe est rattachée au dernier moment à cet accord. Et quand cet accord est présenté à l'ensemble des pays, ces pays disent : 'Non, nous n'acceptons pas un accord négocié en catimini par quelques-uns'. » L'échec de la COP de Copenhague en 2009 La COP de Copenhague se solde donc par un fiasco. Plusieurs chefs d'État et de gouvernement quittent Copenhague bien avant la fin comme le Russe Medvedev, le Brésilien Lula. De leur côté, les États-Unis et la Chine discutent en aparté pour déceler un accord qui leur permette de préserver leur souveraineté, et qui ne soit pas contraignant. On parlait alors de négociation du G2. Lorsque le président Obama annonce à la télévision qu'il a obtenu un accord, la plupart des autres délégations ne l'avaient même pas lu. C'est un terrible affront pour les délégués, et pour l'Europe, qui était normalement fer de lance des négociations. Fou de rage, le président vénézuélien Hugo Chávez tacle les pays industrialisés : « Si le climat était une banque, dit-il, vous l'auriez déjà sauvé ! » La COP de Copenhague lance les négociations vers l'accord de Paris en 2015 La Cop 21 à Paris est défendue par Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, et Laurence Tubiana, qui coordonne les négociations. Leur tâche est ardue. Il faut redonner confiance aux pays qui se sentent trahis et faire revenir tout le monde à la table des négociations. Une mission difficile. Pourtant juste avant la conférence, l’espoir est bien là. « Quand on arrive à Paris, je dois dire qu'on était plutôt confiant parce que la présidence française avait fait un gros travail diplomatique et ...
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  • Quel rôle le premier rapport du Giec a-t-il joué dans l'action climatique?
    2025/12/08
    Toute la semaine, à l'occasion du dixième anniversaire de l'Accord de Paris, conclu le 12 décembre 2015, la question d’environnement sera consacrée à de grandes étapes qui ont conduit à cet accord historique. Le premier épisode nous renvoie 35 ans en arrière avec le premier rapport du Giec. Le Giec, le groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, est créé en 1988 par l'Organisation météorologique mondiale et le Programme des Nations unies pour l'environnement. Mais ce sont des travaux des années 1970 qui ont indirectement enclenché le processus. Et « le rapport Charnay marque le début d'une mobilisation de la communauté scientifique dans les années 1980 », explique Jean Jouzel, vice-président du groupe 1 du Giec de 2002 à 2015. Ce rapport a établi un ratio d'augmentation des températures en fonction de la concentration de de CO2 dans l’atmosphère.  Un rapport qui ne finit « pas dans un tiroir » Et finalement, le G7, en particulier la Première ministre britannique Margaret Thatcher et le président américain Ronald Reagan, suggèrent la création du Giec.  « Les décideurs politiques sentaient bien qu'il y avait un problème », souligne Jean Jouzel. « Et la réponse des décideurs politiques dans ces cas, c’est de mettre en place des groupes de travail. Très souvent, ces groupes de travail produisent des rapports qui vont dans des tiroirs. Et là, le mécanisme qui fait que ces rapports ont une importance, c'est le mécanisme d'adoption des rapports du Giec », poursuit le paléoclimatologue. « Inventer la façon de travailler »  Car le travail du Giec est très novateur. Parmi ses particularités, la validation du résumé pour les décideurs par tous les pays membres. Une validation politique donc, mais sans compromis assure Youba Sokona, expert malien des énergies et plus de trente ans de Giec au compteur : « Les scientifiques restent les gardiens de l'intégrité scientifique. Aucune phrase ne peut être modifiée si elle devient scientifiquement fausse ». À lire aussiL'histoire des COP climat de Rio à Charm el-Cheikh Youba Sokona arrive à la fin des travaux du premier rapport. Les scientifiques et les enjeux africains étaient alors peu représentés et les questions de développement n’étaient pas vraiment abordées. Alors des collègues font appel à lui. Au-delà du processus de validation qui lui a causé « des nuits sans sommeil » par la suite, Youba Sokona décrit un esprit pionnier : « rien n'existait encore qui ressemble à la méthodologie actuelle du Giec. Il a donc fallu inventer la façon de travailler presque en marchant. Les scientifiques venaient d'horizons très différents avec leurs propres méthodes, avec leur propre culture disciplinaire, et il fallait également construire une approche commune. Moi, quand je me suis retrouvé là-dedans, je me disais : "qu'est-ce que je fais ici ?". Et très vite, une logique s'est imposée, il fallait compiler l'état des connaissances existantes, les évaluer de manière critique et surtout séparer strictement la science de la politique ». Le rapport écrit rapidement, en deux ans contre cinq à sept ans actuellement, mais les grandes lignes sont déjà là. Il prévoit un réchauffement de la température mondiale d'environ 2°C en 2025 par rapport à l'époque préindustrielle et de 4°C d'ici 2100 par rapport à l'ère préindustrielle. Il prévoit aussi une hausse importante du niveau de la mer. Quant au lien entre réchauffement climatique et activité humaine. Le rapport pause la question plus qu'il n'y répond. Le Giec écrit que l'humanité est capable en augmentant la quantité de gaz à effet de serre dans l'atmosphère de faire grimper le thermomètre. Mais dans ce premier rapport, la part de l'homme dans le réchauffement climatique reste encore incertaine. La certitude du lien de causalité « est venue progressivement. À la question : "est-ce qu'il y a vraiment un réchauffement climatique lié aux activités humaines ?" la réponse est peut-être dans le deuxième, très probablement dans le troisième et le quatrième. Plus de 95% de confiance dans le cinquième. Et c'est une certitude désormais, tel que le dit le sixième rapport du Giec », raconte Jean Jouzel. « Rapport déterminant »  Ce premier rapport joue un rôle essentiel pour la suite. «  Il y est pour beaucoup dans la mise sur pied de la convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques », estime le paléoclimatologue. Youba Sokona confirme : « Chaque rapport du Giec a été déterminant pour une action politique forte. Sans le rapport du GIEC, il n'y aurait pas l'Accord de Paris ». La création de la Convention cadre des Nations unies sur les changements climatiques, ce sera à Rio deux ans plus tard. Mais un peu de ...
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  • Inondations au Sri Lanka: quels droits pour les «réfugiés climatiques»?
    2025/12/04

    Alors que 1400 centres d’hébergement d’urgence ont été ouverts au Sri Lanka pour accueillir les populations déplacées par les inondations dévastatrices, la question des réfugiés climatiques revient sur le devant de la scène. Une expression largement utilisée, mais trompeuse, car sans existence juridique.

    Le terme « réfugié climatique » n’a aucune reconnaissance légale. La Convention de Genève de 1951 encadre strictement le statut des réfugiés politiques, mais ne couvre en effet pas les déplacements liés à des facteurs environnementaux ou climatiques.

    Cela ne veut pas dire que ces situations ne nécessitent pas de protection, souligne Benoit Mayer, professeur de droit du changement climatique à l’université de Reading, au Royaume-Uni. Mais il précise : « il est très difficile de déterminer si une personne est déplacée à cause d’un changement environnemental et a fortiori à cause du changement climatique ». La dégradation graduelle des conditions de vie jouent souvent un rôle indirect, mêlée à des facteurs socio-économiques.

    Dans des cas exceptionnels, comme les inondations au Sri Lanka, le lien avec le désastre est plus clair. Mais, « le concept de réfugié ne serait pas forcément pertinent, puisqu’en droit international, il indique un déplacement forcé au travers des frontières internationales ». Les personnes concernées relèvent ici d’un autre régime : celui des déplacés internes.

    À écouter aussiRéfugiés climatiques : le droit international est-il prêt pour leur accueil ?

    Des millions de déplacés internes, mais peu de migrations internationales

    En 2024, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) estimait que plus de 46 millions de personnes dans le monde ont été déplacées par des catastrophes climatiques. Un chiffre à manier cependant avec prudence : mesurer précisément la part du climat dans un exil reste extrêmement complexe.

    Les déplacements internationaux, eux, restent marginaux. Ils pourraient augmenter dans les décennies à venir pour certains États insulaires du Pacifique — Tuvalu ou Kiribati — menacés par la montée des eaux. Mais l’horizon est encore lointain, et les incertitudes nombreuses : ces territoires disparaîtront-ils totalement ? Quelles solutions d’accueil prévoir ?

    Des négociations existent déjà avec l’Australie ou la Nouvelle-Zélande pour organiser des migrations de travail ou des mécanismes de protection. Mais cela demeure limité et très éloigné de l'ampleur des crises internes, insiste Benoit Mayer : « Quand on parle du Bangladesh, on parle de centaines de millions de personnes. Ça me semble être un problème beaucoup plus important ».

    Le cas des îles du Pacifique pose aussi des questions existentielles: comment préserver des patrimoines immatériels — langues, mémoires, paysages, odeurs — menacés de disparition avec le territoire lui-même ?

    Ces enjeux dépassent cependant le strict cadre du droit international. En réalité, la quasi-totalité de la question des réfugiés climatiques relève du droit interne des États, puisqu’il s’agit majoritairement de déplacés dans leur propre pays.

    Quant à la Convention de Genève, aucun bouleversement n’est envisagé. Outre les difficultés conceptuelles, aucun État ne souhaite rouvrir un texte fondamental dans un contexte géopolitique tendu avec le risque de se retrouver avec un régime moins protecteur qu’en 1951.

    À écouter aussiDisparition des Tuvalu avant 2100: le compte à rebours a commencé

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  • Dix ans après l’accord de Paris, la justice climatique s’impose comme un pilier de l’action mondiale
    2025/12/03

    L'année 2025 marque les dix ans de l’accord de Paris, mais un autre anniversaire, presque aussi déterminant pour la lutte contre le réchauffement, passe plus discrètement : celui de la première grande victoire de la justice climatique. En 2015, aux Pays-Bas, l’ONG Urgenda obtenait d’un tribunal une décision inédite : obliger un État à rehausser son ambition climatique. Éclairage.

    Dix ans après cette décision prise par la cour de la Haye, aux Pays-Bas, c'est une véritable architecture juridique internationale. Des juges en Allemagne, en Colombie, en France ou en Corée du Sud, mais aussi des juridictions régionales comme la Cour européenne et la Cour interaméricaine des droits de l’homme, jusqu’à la Cour internationale de Justice, appuient désormais la même idées : les États ont l’obligation légale de protéger leurs populations contre les impacts du changement climatique. Cette obligation implique qu’ils se fixent des objectifs cohérents avec la science, qu’ils prennent des mesures réelles pour les atteindre et qu’ils répondent de leurs manquements. Dix ans après l’affaire Urgenda, ces décisions ont façonné une sorte de « droit global du climat » construite affaire après affaire.

    Ces décisions produisent en effet des résultats très concrets : en Allemagne, la Cour constitutionnelle a jugé que les politiques climatiques prévues ne suffisaient pas à protéger les générations futures, ce qui a conduit le gouvernement à réécrire son plan climat et à renforcer les mesures dans les secteurs du transport et du bâtiment. Au Brésil, une décision de la Cour suprême a forcé l’exécutif à réactiver le Fonds climat, resté inopérant pendant plusieurs années et à y consacrer de nouvelles ressources. Aux Pays-Bas, le gouvernement, sommé de respecter les objectifs imposés par l’affaire Urgenda, a accéléré la fermeture des centrales à charbon. Et dans plusieurs pays comme l’Australie ou le Royaume-Uni, des tribunaux ont suspendu ou annulé des projets d’exploitation fossile après avoir jugé leurs impacts climatiques incompatibles avec les engagements internationaux.

    Des conséquences pour les investissements privés

    La justice climatique ne concerne toutefois plus seulement les États, mais également le secteur privé. De plus en plus de communautés affectées par le réchauffement climatique tentent d’engager la responsabilité de grands groupes émetteurs. Selon Sarah Mead, codirectrice du Climate Litigation Network, qui vient de publier un rapport sur le sujet : Laying the foundations for our shared future - Climate Litigation Network ONLINE.pdf - Google Drive, « on voit apparaître de nouveaux cas partout dans le monde ».

    En Allemagne, des agriculteurs pakistanais ont récemment assigné l’énergéticien RWE, estimant que ses émissions ont contribué aux inondations qui ont dévasté leurs terres. Cette affaire s’inscrit dans la continuité d’un autre dossier emblématique : celui de Saúl Luciano Lliuya, un fermier péruvien qui a obtenu d’un tribunal allemand la reconnaissance du principe selon lequel une entreprise peut être tenue responsable des conséquences ses émissions, même lorsque les dommages surviennent à l’autre bout du monde.

    « Ces cas illustrent le fait que de plus en plus de communautés touchées par les conséquences du réchauffement veulent être dédommagées par le siège de grandes entreprises des pays occidentaux. Je pense que ça change la donne », poursuit Sarah Meade. La multiplication de ces litiges judiciaires et la menace de lourds dommages et intérêts à acquitter par les entreprises visées font en effet peser un risque financier non négligeable quant à la poursuite de leurs activités. « La Banque centrale européenne commence à considérer ces affaires comme un risque financier réel pour ces entreprises », ajoute-t-elle.

    Plusieurs groupes du secteur des énergies fossiles ont ainsi augmenté leurs provisions pour risques climatiques, sous la pression de ces procédures et de leurs investisseurs. Selon la dernière étude des Nations unies publiée en 2023, le nombre d’affaires judiciaires liées au changement climatique a plus que doublé depuis 2017. Plus de deux mille dossiers sont aujourd’hui ouverts dans le monde. Un chiffre en croissance constante, en particulier depuis cinq ans.

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  • Les experts du Giec réunis à Paris: quels sont les enjeux?
    2025/12/02

    La France accueille toute la semaine près de 600 scientifiques du Giec, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Les auteurs principaux du rapport se réunissent pour entamer les travaux en vue du 7ᵉ rapport d'évaluation du Giec. Et pour la première fois, les trois groupes de travail se réunissent en même temps en ce début de cycle.

    Le Giec est constitué de trois groupes de chercheurs. Le premier se consacre aux études physiques, c'est-à-dire à l'évolution du climat et aux causes du réchauffement, le deuxième s'occupe de son impact et des questions d'adaptation et le troisième se penche sur l'atténuation du réchauffement. Habituellement, les travaux sont menés par groupe de travail. Cette fois, le processus a changé.

    À quelques jours du 10ᵉ anniversaire de l'accord de Paris, la France dit ainsi vouloir apporter une « forme de soutien politique » aux travaux du Giec. Une marque de soutien à une période où les sciences du climat subissent des attaques, décochées notamment par Donald Trump, le président américain.

    Cela n'empêche pas des scientifiques américains — nommés par des observateurs — de participer à cette réunion. Selon l’AFP, plus d’une cinquantaine de scientifiques américains auraient fait le déplacement. Pour les scientifiques précisément, l'objectif de cette semaine, c'est de mieux se coordonner sur certaines thématiques et de gagner ainsi en efficacité et de fournir « des éléments qui aideront » nos dirigeants « à prendre des décisions plus justes », espère un chercheur.

    De nouvelles données

    Plusieurs sujets doivent être étudiés de manière transversale. C'est le cas de la question du dépassement de certains seuils climatiques. La question de savoir comment on pourrait faire baisser la température devrait être posée et cela aurait des implications dans divers groupes.

    À lire aussiL’IPBES, «Giec de la biodiversité», prône des réponses globales et décloisonnées aux crises

    Par ailleurs, il devrait y avoir un certain nombre de mises à jour. Les rapports du Giec font une sorte de synthèse des avancées scientifiques. Depuis le précédent rapport, de nombreux événements climatiques extrêmes se sont produits dans le monde et les connaissances s'affinent. Par ailleurs, les chercheurs disposaient de peu de données sur les événements extrêmes survenus dans certaines régions du monde. Elles sont désormais plus fournies, notamment pour l'Afrique. La littérature scientifique s’est également étoffée sur le dossier de l’adaptation.

    Calendrier incertain

    Mais pour connaître le résultat, il faudra être patient. Le rapport devrait paraître en 2028 ou 2029. Le compte rendu scientifique devra être approuvé par consensus de l'ensemble des pays membres. « Et si un pays, quel qu'il soit, s'oppose au compte rendu, il ne peut pas être approuvé. Chaque pays a une sorte de droit de veto », expliquait vendredi le coprésident du Groupe 1 du Giec, Robert Vautard, lors d'une visioconférence avec la presse. Mais de préciser qu’il existe des procédures pour approuver le texte si le pays en question est isolé. Il serait alors précisé qu’un pays n’est pas d’accord et pourquoi il ne l’est pas.

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