エピソード

  • L’emprisonnement du journaliste Mario Guevara «est le signe d’une bascule autoritaire» des États-Unis
    2025/09/13

    Mario Guevara, arrêté alors qu’il couvrait une manifestation contre Donald Trump, passe son troisième mois en prison sans aucune accusation contre lui. Un dangereux précédent pour la liberté de la presse et la démocratie aux États-Unis.

    Il est le seul journaliste en prison aux États-Unis. Mario Guevara, journaliste salvadorien primé, présent légalement sur le territoire depuis 2004, a été arrêté en juin dernier en plein reportage. Il approche aujourd’hui des cent jours d’incarcération alors que toutes les poursuites ont été abandonnées.

    Le 14 juin 2025 était l'une des plus grandes journées de manifestation de l'histoire américaine. Environ cinq millions de personnes descendent dans les rues contre les politiques de Donald Trump. Ils scandent qu'ils ne répondent à aucun roi, aucun tyran. Parmi eux, des journalistes en reportage. Dont Mario Guevara. « Il suivait un cortège en Géorgie, dans une petite banlieue d'Atlanta », raconte Nora Benevidez, avocate chez l'organisation Free Press. « Il était clairement identifié comme journaliste grâce à son gilet avec le mot "Presse" écrit dessus. Et les policiers ont commencé à l'entourer. Ils lui ont demandé de quitter la rue. Rue où il n'était pas initialement. Mais en se repliant pour contourner la police, il a fini par emprunter cette rue ».

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    « Un danger pour la société »

    Voilà Mario Guevara en garde à vue. Heureusement, toutes les poursuites sont rapidement abandonnées. C'est déjà une atteinte à la liberté de la presse, mais ça aurait pu s'arrêter là. Aurait pu car Mario Guevara reste incarcéré... La police de l'immigration intervient. « La raison invoquée par le gouvernement, c'est qu'il serait un danger pour la société. Et que ses diffusions en direct reviennent à surveiller illégalement la police, précise Nora Benevidez. Sauf que ce n'est contraire ni à la loi en Géorgie ni à la Constitution ».

    Ce journaliste qui a fui la censure du Salvador et réside légalement aux États-Unis fait désormais des allers-retours entre prisons locales et fédérales à cause de son métier. Mario Guevara se retrouve en fait pris entre deux feux. « Il y a deux tendances en jeu, estime Caroline Hendrie, directrice de la Société des journalistes professionnels : d'un côté, il y a une campagne anti-presse. De l'autre, il y a une campagne anti-migrants illégaux. Mario Guevara, même s'il est ici légalement, coche les deux cases ».

    Bascule autoritaire

    Les associations pour la liberté s'inquiètent en tout cas du précédent que cela crée. « Je pense que l'exceptionnalisme américain en ce qui concerne la liberté de la presse n'existe plus, assène Katherine Jacobsen, coordinatrice du Comité pour la protection des journalistes. Ce qui est le plus inquiétant, c'est pourquoi le gouvernement voudrait avoir Mario Guevara derrière les barreaux : tant qu'il y reste, il ne peut plus couvrir une communauté dont on parle déjà très peu ».

    Mario Guevara s'est construit une audience de centaine de milliers d'abonnés en documentant les raids de l'ICE contre les Latino-Américains. L'avocate Nora Benevidez va même plus loin : « Ce sont des signes avant-coureurs d'une bascule autoritaire. Les gens ont du mal à croire que ça puisse arriver aux États-Unis, mais nous y sommes déjà ».

    Les défenseurs de Mario Guevara s'attendent encore à de nombreux rebondissements judiciaires avant de le voir sortir de prison.

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  • Guinée-Bissau: les médias sous pression à l'approche de la présidentielle de novembre 2025
    2025/09/06

    Menaces quotidiennes, agressions, censure : les journalistes de Guinée-Bissau et leurs invités sont régulièrement la cible d'intimidations à l'approche du scrutin, présidentiel et législatif, prévu le 23 novembre. Dernier exemple, deux médias publics de l'ancienne puissance coloniale, le Portugal, ont été expulsés en août. Dans ce climat, certaines radios paient un lourd tribut à leur indépendance éditoriale. Capital FM, l'une des plus écoutées du pays, a été attaquée à deux reprises

    La Guinée-Bissau abrite de nombreuses radios privées et communautaires, avec pas moins de 88 stations. La plus populaire, Radio Capital FM, a été attaquée à deux reprises. « Les menaces que l’on reçoit sont fréquentes, nous en recevons presque tous les jours, raconte Lancuba Danso, directeur de l’information de la station. Mais nous avons aussi été physiquement attaqués. En 2020, des hommes ont envahi nos locaux, à l’aube, et ils ont tout saccagé. En 2022, à nouveau, des hommes armés et cagoulés sont rentrés dans notre rédaction, on les a vus casser tout le matériel et ils ont blessé sept de nos collègues ».

    Mais les journalistes ne sont pas les seuls à être menacés. Toute personne prenant publiquement la parole à la radio s’expose à de potentielles intimidations ou menaces, ce qui complique évidemment le travail des journalistes. « Quand on invite des chercheurs ou spécialistes, souvent, ils refusent, de peur de ce qui pourrait leur arriver. Et ceci parce que, malheureusement, en Guinée-Bissau, tout est politique, poursuit Lancuba Danso. La santé, par exemple. Le secteur a vécu plusieurs périodes de grèves cette année. L’invité ne pourra pas analyser la question sans mentionner l’inaction du gouvernement. Et s’il le dit, il aura des problèmes. »

    À lire aussiGuinée-Bissau: les autorités ordonnent la fermeture des médias internationaux portugais

    À l’approche des élections présidentielles et législatives prévues le 23 novembre la situation semble se tendre un peu plus. En août, les autorités bissau-guinéennes ont ordonné l’expulsion de deux médias publics portugais, fermant leurs bureaux et leurs émissions.

    Lorsqu'elle a pris connaissance de cette décision, la journaliste portugaise de l'agence de presse Lusa, Helena Fidalgo s'est dite « surprise » : « Je ne m’y attendais pas du tout ! Les autorités ne nous ont donné aucune explication claire et officielle. On attend de savoir ce qui va se passer. »

    Le Premier-ministre Braima Camará a rompu le silence des autorités autour de cette expulsion, en invoquant une question de « souveraineté nationale » pour justifier la décision.

    La veille, un autre journaliste de la chaine portugaise RTP, le Bissau-guinéeen Waldir Araújo, a été violemment battu en plein cœur de la capitale. La photo de son visage, tuméfié et ensanglanté, a rapidement circulé sur les réseaux sociaux, et Reporters sans Frontières a dénoncé cette agression. Les assaillants, masqués, auraient dit à Araújo qu’il mérite cette punition pour avoir terni l’image de la Guinée-Bissau.

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  • Kenya: la liberté de la presse sous pression économique
    2025/08/30

    Le journal Daily Nation en a fait les frais après avoir révélé un scandale impliquant le gouvernement et l’opérateur Safaricom. En juin 2024, au plus fort des manifestations contre la loi de finances, des citoyens dénoncent des disparitions forcées. Le Daily Nation, journal indépendant fondé par le puissant groupe Nation Media, enquête et met en cause Safaricom. En riposte, l’opérateur suspend ses publicités. Une sanction économique qui pèse lourd — et qui devient une arme pour museler la presse. Éclairages

    Ce sont des plaintes venues de la rue qui ont alerté les journalistes. Des familles ont dénoncé des disparitions inexpliquées de leurs membres après les manifestations contre la loi de finances. Le Daily Nation, décide alors d’enquêter. Très vite, leurs révélations dérangent.

    L’opérateur Safaricom, au cœur de l’affaire, est accusé d'avoir transmis des données privées des abonnées aux forces de sécurité, facilitant l’identification des manifestants, des organisateurs et de leurs soutiens financiers.

    Un travail essentiel, mais qui va coûter cher au journal

    Safaricom suspend ses publicités. Privée de ressources, la rédaction se retrouve fragilisée.

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    « Quand il n’y a plus d’argent, la première solution, c’est de réduire les effectifs et renvoyer le personnel. Déjà l'année dernière, Nation Media a licencié beaucoup de journalistes. Y compris, moi-même », raconte Eric Oduor, secrétaire général du syndicat national des journalistes kenyans.

    Ces pressions économiques, déjà pointées par Reporters Sans Frontières dans son dernier classement, ne viennent pas seulement des entreprises au Kenya.

    « Ce n'est pas que Safaricom, poursuit Eric Oduor. Le gouvernement aussi a suspendu ses publicités pour sanctionner des médias critiques. Ce sont des tactiques employées par des groupes privés tout comme par le gouvernement pour faire taire les médias simplement parce qu'ils ont fait leur travail ».

    Dans ce contexte, l’autocensure s’installe

    Pour beaucoup de journalistes, choisir le silence devient parfois... une question de survie.

    « Certains journalistes préfèrent éviter certains sujets, de peur d’être poursuivis en diffamation. Le risque de perdre son emploi ou de devoir assumer seul des frais d’avocat suffit à dissuader d'enquêter — même les plus déterminés », regrette encore le secrétaire général du syndicat national des journalistes kenyans.

    La répression ne s’arrête pas là

    Récemment, quatre journalistes travaillant sur un documentaire de la BBC, qui dénonçait la répression sanglante des manifestations, ont été arrêtés. Ils demandaient au gouvernement de rendre des comptes.

    Libérés depuis, leurs ordinateurs et téléphones sont toujours confisqués. « Un avertissement clair adressé à toute la profession, selon Eric Oduor, C’est de l’intimidation. C'est un message adressé aux journalistes. Si vous touchez à des sujets sensibles, on viendra vous chercher ».

    Pour lui, cette spirale ne doit pas devenir la norme. Il plaide pour un sursaut collectif afin de défendre la liberté de la presse au Kenya : « Il faut défendre nos droits, offrir une assistance juridique, former les journalistes à travailler en environnement hostile, et faire appliquer les lois qui protègent la liberté de la presse. Il faut aussi interpeller les employeurs : garantir un climat de travail digne et sécurisé, c’est leur responsabilité ».

    Un bras de fer désormais porté devant la justice

    Safaricom a déposé plainte contre Nation Media Group le 3 avril dernier pour diffusion de fausses informations.

    L’affaire est toujours en cours.

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  • En Éthiopie, les journalistes réduits au silence à l’approche des élections
    2025/08/23

    Qu’est-il arrivé à Yonas Amare, journaliste chevronné en Éthiopie ? Le rédacteur en chef du quotidien The Reporter a été enlevé par des hommes masqués le 13 août 2025. Dix jours plus tard, toujours aucune nouvelle. Deux autres journalistes ont, eux aussi, disparu, dans le silence total des autorités. Une omerta inédite, qui inquiète à l’approche des élections générales de 2026. Reporters sans frontières (RSF) confirme ce durcissement : l’Éthiopie a perdu quatre places dans son dernier classement mondial de la liberté de la presse. Un contraste spectaculaire avec les promesses d’ouverture du Premier ministre Abiy Ahmed.

    Le 5 août, Khadar Mohammed Ismael, journaliste à la Somali Regional Television, est arrêté pour un simple post sur facebook, sans chef d’accusation. Six jours plus tard, Abdulsemed Mohammed, animateur radio, disparaît et ne réapparaît que trois jours après, accompagné des policiers. Le 13 août enfin, Yonas Amare, rédacteur en chef du quotidien The Reporter, est enlevé devant son domicile par des hommes masqués. Depuis, plus aucune nouvelle.

    La répression contre la presse n’est pas nouvelle en Éthiopie, mais elle a franchi un nouveau cap ces derniers mois, explique Muthoki Mumo, coordinatrice Afrique au Comité pour la protection des journalistes (CPJ). « Les journalistes étaient souvent arrêtés en Éthiopie, mais en général, au bout de quelques jours, on savait où ils se trouvaient, dans quel commissariat. Ou bien, ils étaient présentés devant un juge. Même pendant la guerre civile, lorsque certains disparaissaient, il y avait au moins une information sur le lieu de détention. Dans le cas de Yonas, on ne sait ni qui l’a enlevé, ni où il est. Que cela dure aussi longtemps, sans aucune nouvelle, est profondément inhabituel et extrêmement inquiétant », alerte-t-elle.

    Pour le CPJ, ce vide d’information installe la peur dans les rédactions et menace la qualité de l’information. « Cela envoie un message de peur très fort. On ne sait pas qui l’a enlevé ni pourquoi. Alors chacun se dit : "est-ce que ça pourrait m’arriver demain ?" C’est un très mauvais signe, car en période électorale, la population a plus que jamais besoin de journalistes au meilleur de leur forme, capables d’informer sur ce qui se passe », estime sa coordinatrice.

    Pour l'ONG Reporters sans frontières (RSF), ces disparitions reflètent une tendance plus large, l’Éthiopie ayant en effet perdu quatre places dans son classement mondial et figure désormais parmi les pays les plus répressifs. « S’ils ne sont pas enlevés, ils sont détenus sur la base de motifs fallacieux : accusations de terrorisme, d’incitation à la violence, de menaces contre l’ordre constitutionnel… Certains ont même été accusés de vouloir renverser le régime, notamment dans la région d’Amhara », détaille Sadibou Marong, directeur Afrique subsaharienne de RSF.

    Une autre stratégie d'intimidation, selon RSF : contrôler le narratif politique, à l’approche des élections législatives : « On est dans une phase où les autorités veulent verrouiller le récit autour des enjeux cruciaux du scrutin. Pour cela, elles arrêtent et emprisonnent des journalistes qui ne font que leur travail. »

    Une dérive d’autant plus paradoxale que l’arrivée d’Abiy Ahmed en 2018 avait suscité de grands espoirs d’ouverture démocratique. « Il y avait beaucoup d’espoir à son arrivée. Mais tout cela s’est effondré : arrestations arbitraires, enlèvements, surveillance inouïe. Les journalistes ne peuvent plus se sentir en sécurité dans le pays », regrette Sadibou Marong.

    Pour les ONG, si les journalistes sont réduits au silence, c’est la crédibilité même du scrutin de 2026 qui sera menacée.

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  • The Dissident Club, un café littéraire né de l’exil
    2025/08/16

    Les cafés littéraires ont longtemps été une tradition française. Au XVIIIe siècle, on s’y retrouvait pour élaborer des idées. Menaces sur l’information nous emmène aujourd’hui dans une sorte de café littéraire... Un établissement très original. The Dissident Club a été lancé il y a cinq ans par un journaliste pakistanais exilé politique. On y parle français et anglais. On peut débattre de l’actualité internationale ou de religion. Aucun sujet n’est interdit.

    C’est dans le centre de Paris que The Dissident Club accueille militants, journalistes ou anonymes, que ce soit pour débattre, écouter du jazz ou assister à une projection… « On est venu parce qu’on travaille dans le quartier et qu’on était intrigué par le thème et la devanture. Maintenant, notre curiosité est aiguisée. On ne sait pas encore de quoi parle le film, mais en tout cas, je vais aller chercher sur internet et probablement acheter la BD à terme ».

    La BD, qui, elle aussi s’appelle Dissident Club, c’est l’histoire de la jeunesse du patron. Taha Siddiqui est un journaliste pakistanais, prix Albert-Londres en 2014. Il a survécu à un enlèvement des services secrets de son pays en 2018. Son réseau d’amis journalistes l’aide à venir en France. Chapeau sur la tête malgré la chaleur, Taha Siddiqui raconte qu’à son arrivée, il était un peu perdu. « On est très seul dans l’exil. Vous perdez tout : votre maison, votre travail, votre famille et vos amis ».

    Un endroit unique

    Au début Taha Siddiqui pense rester quelques mois et rentrer au pays. Mais les autorités françaises le préviennent. Son nom figure sur une liste noire. Il est en danger de mort au Pakistan et va devoir vivre en France. Il décide alors de créer ce bar ouvert aux dissidents du monde entier. C’est sa nouvelle famille. « Pour moi c’est un endroit unique. Et beaucoup de gens m’ont dit la même chose. Aujourd’hui, un bar qui organise des évènements intellectuels avec des dissidents en exil, c’est très exceptionnel ».

    Être réfugié politique ne signifie pas être totalement protégé, dit-il notamment à cause de ce que l’on appelle la répression transnationale – autrement dit la surveillance par certains gouvernements de leurs opposants politiques à l’étranger. « Ici, en France, j’ai reçu des menaces sur mon portable. Il y a quelqu’un qui surveille mon bar, et qui est connecté avec l’ambassade du Pakistan et l’ambassade de Chine. Mes amis chinois ont reçu de nombreuses menaces. Mes amis russes et iraniens m’ont dit la même chose. La répression transnationale nous inquiète beaucoup. Plusieurs exilés pakistanais sont morts dans des conditions suspectes. Il y en a eu un en Suède en 2020. Un autre, au Canada. Aux Pays-Bas, un homme a été arrêté alors qu'il se préparait à tuer un militant actif sur les réseaux sociaux ».

    Transformer la colère en énergie positive

    Taha Siddiqui ne fait plus de reportages. Il écrit des analyses, et défend la liberté de la presse. Il s’est aussi occupé de sa santé mentale. Il avait une grande colère en lui, parce qu’il n’avait plus le droit de retourner dans son pays. Il était puni, pas pour avoir fait quelque chose de mal, mais pour avoir fait son travail. Pour avoir essayé d’améliorer les choses dans son pays. « Je reste en colère. Mais j’ai canalisé ma colère dans une énergie positive ».

    Cette énergie positive c’est l’établissement The Dissident Club et la bande dessinée Dissident Club sur sa vie qui est sortie en 2023 et a été déjà traduite en quatre langues. Taha Siddiqui vient d’assurer la promotion de la sortie au Royaume-Uni. Le journaliste apprend actuellement la langue française. C’est l’une des conditions à remplir pour pouvoir demander la nationalité française.

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  • «We Have No Escape»: le photographe Saher Alghorra veut «contribuer à faire cesser le génocide» à Gaza
    2025/08/09

    Le 19 juin dernier, le Visa d’or humanitaire du Comité international de la Croix Rouge (CICR) a été attribué au photojournaliste palestinien Saher Alghorra. Un prix qu’il recevra officiellement le 3 septembre à Perpignan lors du festival Visa pour l’Image. Depuis plus de 21 mois, ce Gazaoui documente la vie quotidienne de la population prise au piège dans la bande de Gaza. Il capture ainsi des scènes de survie, de douleur, mais aussi de résilience, au plus près des familles dans une série intitulée We Have No Escape (Sans Issue, en français)

    « Je serai exposé cette année et j’espère pouvoir être présent à la cérémonie de remise des prix, si Dieu le veut. C’est extrêmement important pour moi que les photos de Gaza soient exposées devant un large public, surtout devant ceux qui prennent les décisions. Dans l’espoir que ces images puissent contribuer à faire cesser le génocide dont nous sommes victimes », avance le lauréat du Visa d’or humanitaire du CICR.

    Saher Alghorra a 28 ans. Il travaille comme photojournaliste depuis 2018, il collabore avec le New York Times et habite dans la ville de Gaza. Du moins actuellement. Parce qu'à cause des frappes israéliennes incessantes, des demandes d’évacuations en cascade, du manque de nourriture, d’eau, d’électricité ou d’internet, du manque de vie dans cette enclave ravagée et massacrée par plus 21 mois de guerre, il a été déplacé plus de cinq fois.

    La vie classique d’un journaliste, d’un photographe n’existe plus à Gaza depuis longtemps, précise-t-il. « Il n’y a pas un seul jour “normal”. Depuis le début de la guerre et jusqu'à maintenant, nous n’avons pas connu un seul jour banal. Par exemple, on n'a même jamais réussi à prendre un jour de repos, on est constamment en "stand by”, en état d’alerte, prêt à intervenir s’il se passe quelque chose. Parfois, on meurt d’envie de se poser, de se reposer, de s’éloigner un peu de ce qu’on voit, de changer d’air. Mais avec la rapidité et l’intensité de tout ce qui se passe, c’est impossible. On a même plus le temps de s’asseoir avec nos amis, notre famille, tous les gens qu’on aime. Donc rien n’est normal ici. On s’endort et on se réveille avec ces mêmes scènes de mort, de destruction, d’adieux. »

    « Nous sommes un peuple attaché à la vie »

    Saher Alghorra raconte ce quotidien, celui de tous les Gazaouis. Des femmes compressées, visage crispées, pour essayer d’obtenir à manger dans des takiya, ces cantines communautaires, aux masses de civils déplacés qui tentent de rejoindre le nord de l’enclave côtière.

    Ses photos sont fines, justes, emplies d’humanité et ne cachent pas la misère, mais la raconte sans misérabilisme. Car c’est ça aussi Gaza. « Nous sommes un peuple attaché à la vie, un peuple qui aime la vie. À travers mes photos, j’essaie justement de trouver une part de positif, la part d’espoir à laquelle les gens s’accrochent encore malgré toutes les difficultés. Mon message au monde, c’est que nous sommes un peuple qui mérite de vivre. Qu’on s’accroche. Et si Dieu le veut, un jour viendra, on aura enfin le droit à cette stabilité et de vivre normalement. »

    Car aujourd’hui, en tant que photojournaliste à Gaza, on ne peut plus que rêver, précise-t-il, avant d’ajouter que même rêver est devenu un luxe dont tous les Gazaouis sont privés.

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  • Inde: après le tabassage d’une journaliste en plein reportage, le climat d'impunité inquiète la profession
    2025/08/02

    Début juillet, la journaliste indienne Sneha Barve enquêtait sur la construction illégale d'un terrain proche d'une rivière, quand elle a été attaquée par l'accusé, un homme d'affaires proche de politiciens locaux. Tombée inconsciente, hospitalisée pendant plusieurs jours, elle se bat aujourd'hui pour continuer son enquête et faire arrêter son agresseur, qui est toujours libre.

    Sneha Barve est en train d'enquêter sur la construction apparemment illégale d'un bâtiment qui empiète sur les bords d'une rivière, dans un village près de Pune, à l'ouest de l'Inde. Devant la caméra, la journaliste explique que cela pourrait entraîner l'inondation du marché local, quand l'accusé s'en prend à elle.

    « J'ai demandé à lui parler, mais il m'a repoussé. J'ai donc parlé aux voisins de ce problème, et il a pris peur, raconte-t-elle. Il a alors pris un bâton et m'a frappé violemment sur la tête. Je suis tombée inconsciente, et je me suis réveillée deux jours après à l'hôpital. »

    Deux semaines après l'attaque, Sneha porte toujours une minerve. Elle souffre de fractures au dos et d'une commotion cérébrale et a d'horribles maux de tête quand elle parle pendant plus d'une minute. Mais alors que l'attaque a été filmée, la police n'a enregistré qu'une plainte pour intimidation et n'a même pas arrêté l'accusé. Ce dernier est un homme d'affaires important dans la région, proche d'un parti influent et la police chercherait à le protéger, dénonce Geeta Seshu, co-fondatrice de l'association Free Speech Collective, qui soutient la journaliste : « Le message est très clair : les autorités n'ont aucun respect pour le travail des journalistes. Et leurs membres ou partisans peuvent faire la loi eux-mêmes et il n'y aura aucunes représailles. »

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    « La police doit le poursuivre pour tentative de meurtre »

    Cette situation met Sneha en danger. Pendant que nous lui parlons, elle reçoit un message de ses parents : des proches de l'accusé se trouvent dans son village et demandent où elle habite. Cela n'intimide cependant pas la journaliste de 29 ans, fondatrice de ce média local, Samarth Bharat Pariwar.

    « Je ne vais pas m'arrêter. Je vais me rétablir et continuer à me battre pour que cette information soit connue, et que l'accusé soit condamné. La police doit le poursuivre pour tentative de meurtre et l'arrêter. »

    C'est la deuxième fois que Sneha Barve est victime d'une tentative de meurtre liée à son travail. La dernière fois, Sneha a failli se faire écraser, mais la police n'avait pas pris sa plainte au sérieux. Dans cette région du Maharashtra, un autre journaliste n'a pas eu autant de chance : il y a deux ans, Shashikant Warishe avait dénoncé l'accaparement de terres par un homme louche, pour la construction d'une raffinerie. L'agent immobilier accusé, furieux, a alors tué le journaliste en lui roulant dessus. Il est aujourd'hui accusé d'assassinat et se trouve en détention provisoire.

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  • Géorgie: Mzia Amaghlobeli, figure de la presse indépendante, face à la justice
    2025/07/26

    En Géorgie, la journaliste Mzia Amaghlobeli, arrêtée le 11 janvier dernier, est en détention provisoire depuis plus de six mois. Son procès aura lieu le 1er août prochain. Cette figure réputée du journalisme indépendant est accusée d’avoir giflé un policier lors d’une manifestation contre le pouvoir. Elle risque jusqu’à sept ans de prison.

    Mzia Amaghlobeli a été arrêtée une première fois à Batoumi dans l’ouest de la Géorgie pour avoir tenté d’apposer un autocollant annonçant une manifestation contre le gouvernement. Puis une deuxième fois à sa sortie pour avoir giflé un membre des forces de l’ordre. C’est cette altercation qui lui vaut aujourd’hui une vie en cellule.

    Une arrestation symbolique dans une Géorgie sous pression

    Cette journaliste de 50 ans a fondé deux sites d’information respectés : Batoumelebi et Netgazeti. C’est la première fois dans l’histoire de la Géorgie indépendante qu’une journaliste est ainsi ciblés. Caoilfhionn Gallagher est une avocate internationale spécialisée dans les droits humains. Elle s’occupe de cette affaire. « Je m’occupe de l'affaire Mzia, car elle est d'une importance capitale... Pour Mzia elle-même, pour la Géorgie et pour le journalisme international. C'est un nouvel exemple d'un régime autoritaire qui tente d'instrumentaliser la loi pour faire taire une journaliste qui dit la vérité au pouvoir. Je suis très préoccupée par cette affaire. Cette affaire est montée de toutes pièces, injustifiée et disproportionnée. C'est une instrumentalisation de la loi contre elle. Tous les outils juridiques de la Géorgie sont utilisés pour tenter de réduire cette femme au silence. Le monde devrait regarder ce qu’il se passe parce que c'est un véritable test pour le système géorgien. Mais c'est aussi un test pour la communauté internationale. On verra comment elle réagit à la situation actuelle en Géorgie ».

    La communauté internationale regarde. Quatorze pays, dont la France, demandent la libération de Mzia Amaghlobeli. Sans compter que des représentants de pays européens assistent régulièrement aux audiences, ce qui est rarissime. Le pouvoir en Géorgie est aux mains d’un parti : le rêve géorgien qui ne cesse de s’éloigner de l’Union européenne pour se rapprocher de la Russie et de réduire les libertés individuelles. La population, elle, continue de manifester quotidiennement depuis 241 jours maintenant. Les attaques contre la presse se multiplient depuis plusieurs mois. Le gouvernement a adopté quatre lois pour entraver le travail des journalistes. La dernière en date interdit tout financement étranger des médias audiovisuels et élargit le pouvoir de censure de l’autorité qui chapeaute les médias.

    Mzia Amaghlobeli, figure de la résistance journalistique en Géorgie

    Déterminée et résistante, Mzia Amaghlobeli a fait de son emprisonnement un combat. Lors de la première audience, le 14 janvier, elle avait brandi le livre Résistez aux dictateurs, de la journaliste philippine Maria Ressa, Prix Nobel de la paix. Elle a aussi mené une grève de la faim pendant 38 jours, avant de l’interrompre à la demande de ses proches. Le procès de Mzia Amaghlobeli aura lieu le 1er août.

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