エピソード

  • Au Salvador, l'exil des journalistes s'accélère
    2025/10/25
    Au cours des six premiers mois de l'année, 43 journalistes ont quitté le pays d'après un décompte de l'Apes, l'association des journalistes du Salvador qui, elle aussi, a décidé de s'en aller. Elle l'a annoncé au début du mois d'octobre. C'est le dernier épisode d'une relation plus que houleuse entre les autorités du Salvador et les voix qui critiquent le très populaire président Nayib Bukele. Au Salvador, ces derniers mois, un cap a été franchi. Dans un rapport, l'Association des journalistes du Salvador (Apes) déclarait début octobre avoir recensé ces départs de journalistes entre le mois de janvier et le 9 juin 2025. « Les journalistes qui ont quitté le pays appartiennent, pour la plupart, à des médias indépendants et/ou numériques, qui sont restés critiques et rigoureux à l'égard du gouvernement actuel », a précisé l'Apes. En mai dernier, l'avocate Ruth Lopez spécialiste de la corruption au sein de l'ONG Cristosal était arrêtée. Quelques jours plus tard, une loi sur les agents étrangers est adoptée. Comme en Russie, les organisations, comme les médias indépendants, doivent payer une taxe de 30 % sur les fonds reçus de l'étranger. Circule également une rumeur selon laquelle le pouvoir aurait établi une liste noire de journalistes susceptibles d'être envoyés en prison. Jorge Beltrán Luna quitte alors son pays du jour au lendemain : « J'ai 55 ans, presque 56, et je dois recommencer ma vie à zéro. En ce moment, je suis en train de faire ma demande d'asile. On ne peut pas me renvoyer au Salvador. Mais pour l'instant, je ne peux pas travailler, ni conduire, ni ouvrir un compte en banque. Ce sera comme ça pendant plusieurs mois. Mais au moins, je suis en sécurité et j'ai recommencé à faire du journalisme avec ma chaîne YouTube. » Le départ a été très douloureux aussi pour Eric Lemus, journaliste d'investigation, qui s'est réfugié au début de l'année aux États-Unis : « Le plus difficile, c'est que ma mère qui a 90 ans, n'a pas pu venir avec nous. Alors, on s'est dit adieu. Elle m'a dit : 'Ne reviens pas. J'ai 90 ans. Je pense que nous ne nous reverrons jamais'. Et ça, ça a été vraiment dur ! C'est sûr, je ne retournerai jamais au Salvador. La situation est irréversible. Plus qu'une dictature, c'est une dynastie qui est en train de s'installer. La famille Bukele n'a aucune raison d'abandonner le pouvoir. Ils contrôlent l'armée, le pouvoir judiciaire, le parquet, l'Assemblée nationale... Ils ne vont donc pas rester au pouvoir cinq ans de plus, mais sans doute vingt ans ». À lire aussiLe Salvador permet au président Nayib Bukele de se représenter indéfiniment À l'Université de Notre-Dame, dans l'Indiana, qui l'accueille, Eric Lemus travaille à la création d'un Observatoire de la corruption. Jorge Beltran Luna, lui, continue de couvrir à distance l'actualité de son pays : « Au Salvador, les médias ont été décimés. Il ne reste quasiment plus de médias de communication ou de leaders d'opinions qui acceptent de s'exprimer. Ces derniers temps, j'ai constaté que plusieurs personnes qui commentaient d'habitude la situation du pays, refusent désormais de donner des interviews, car elles ont reçu des menaces. Dans mon cas, j'estime que ça vaut la peine de continuer, car je reçois toujours des informations de la part de mes sources, même en étant à l'étranger. Et puis je vois des gens qui se réveillent, qui font des vidéos de rues inondées, des quartiers pauvres. Moi, ça m'encourage à continuer à faire du journalisme ». Le Salvador occupe la 135ᵉ place sur 180 au classement de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières. Le pays a perdu 61 places au cours des cinq dernières années. À lire aussiÀ la Une: plongée dans les prisons de l'horreur au Salvador
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  • États-Unis: le Pentagone fait la guerre aux journalistes
    2025/10/18
    C'est le bras de fer aux États-Unis entre le ministère de la Défense et les journalistes spécialisés. Levée de bouclier des médias américains après les restrictions inédites imposées par le Pentagone qui cherche à cadenasser la presse. Et à empêcher les reporters d'avoir accès à leurs sources au sein des forces armées. Certaines de ces mesures ont même été assimilées à de la censure, car les autorités américaines menacent de poursuites judiciaires les journalistes qui sortiraient des informations confidentielles. Le contrat proposé par Pete Hegseth, le ministre nommé par Donald Trump, à la presse : signez cette nouvelle charte ou vous ne pourrez plus mettre les pieds au Pentagone. La quasi-totalité des médias, y compris les plus grandes signatures du New York Times, du Washington Post, de CNN, ainsi que plusieurs organes classés dans la sphère conservatrice, ont choisi de dire « non ». Et ont abandonné pour la première fois en l'espace de plusieurs décennies leur badge d'accès au ministère de la Défense. L’image de ces journalistes en train de quitter le Pentagone est saisissante. Une cinquantaine de reporters, tous médias confondus qui ont emporté dans leurs cartons quelques photos, une imprimante ou une horloge, reliquat de la vie d’avant. Celle où le ministère de la Défense laissait la presse faire son travail sans chercher à contrôler l’information. « Ça faisait 28 ans que je travaillais au Pentagone. J’y ai toujours eu accès et j’ai toujours pu me balader librement dans les couloirs. J’ai parlé à des gens comme le général Petraeus, l’ancien patron des forces américaines en Afghanistan ou des officiers que j’avais appris à connaître avec le temps. Maintenant, on nous dit que nous cherchons à collecter des infos confidentielles alors qu’on essaie simplement de se faire une idée de l’actualité. On peut juste avoir entendu quelque chose, demander confirmation à des gens, et eux sont capables de dire : "Ecoute, Tom, ce n’est pas 100% exact, je pense que tu ne suis pas la bonne piste". Très souvent, le métier, c'est de solliciter l’avis de gens que l’on connaît sur ce qui se passe en coulisses », explique Tom Bowman, l’une des figures de NPR, la radio publique américaine. À lire aussiÉtats-Unis: les médias américains rejettent des restrictions voulues par le Pentagone La liberté de la presse doit être protégée par le président, selon une ex-correspondante de CNN Certes, le ministère a clarifié ses intentions. Il n’est pas question de relire les articles avant publication. Mais les nouvelles procédures édictées par le gouvernement restent très restrictives. Au total, 21 pages d’instructions qui couvrent aussi bien la couleur des badges de presse que les lieux autorisés pour les liaisons en direct. Les journalistes n’ont plus le droit de se déplacer seuls à l’intérieur du Pentagone. Ils devront systématiquement être escortés. Et l’institution militaire insiste lourdement : les médias qui incitent des fonctionnaires à livrer des informations pourront faire l’objet de sanctions, voire de poursuites. Ce qui revient, qu’on le veuille ou non, à mettre la presse sous tutelle. « Souvenez-vous qu’aux États-Unis, lorsque le président prête serment, il jure de protéger la Constitution. Ce qui inclut le 1ᵉʳ amendement d’où découle la liberté de la presse. Et c’est aussi ce que les soldats s’engagent à protéger lorsqu’ils s’engagent. La liberté de la presse est un droit protégé par la Constitution. Avez-vous le droit de publier des informations confidentielles ? C’est à la justice de répondre à cette question », souligne Barbara Starr, correspondante de CNN au Pentagone pendant plus de 20 ans, entre 2001 et 2022. Tous les journalistes spécialisés dans les questions de défense promettent de continuer leur travail hors du Pentagone. Y compris des médias classés à droite comme Fox News qui ont, eux aussi, claqué la porte en signe de protestation. À lire aussiÉtats-Unis: le Pentagone resserre son contrôle sur les médias
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  • Antoni Lallican, photoreporter tué par un drone dans le Donbass
    2025/10/11

    Un hommage lui sera rendu ce samedi à Bayeux, lors de la remise des prix des correspondants de guerre. Antoni Lallican a été tué, la semaine dernière, par un drone dans le Donbass, dans l'est de l'Ukraine. Ce photoreporter de 37 ans est le quatrième journaliste français à avoir perdu la vie dans ce conflit. Une nouvelle mort tragique qui met l'accent sur les difficiles conditions des journalistes sur les terrains de guerre.

    Une femme âgée caresse un chat dans un abri de fortune, des soldats à l'air grave s'octroient une pause cigarette à la frontière du Haut-Karabakh, des migrants tentent de traverser à pied les Alpes enneigées... L'humain était au centre des photos d'Antoni Lallican. « C'était quelqu'un qui était très sensible à ce qu'il voyait. Ce n'était pas quelqu'un qui allait sur le terrain pour prendre sa photo et puis partait. Il avait à cœur d'aider les gens qu'il voyait, il prenait souvent des nouvelles », raconte son amie, Manon Chapelain, correspondante de RFI en Syrie. « Antoni c'est quelqu'un qui était une référence pour nous, parce que ça faisait, en tout cas pour moi, plus longtemps qu'il travaillait sur des terrains sensibles. C'était quelqu'un à qui on arrivait à beaucoup se confier quand on revenait d'un terrain difficile et qu'on était un peu chamboulé, il avait toujours les mots justes pour en parler et il était très à l'écoute ».

    Un journaliste expérimenté et respecté

    Les proches d'Antoni Lallican le décrivent comme un journaliste expérimenté et précautionneux. Le contraire d'une tête brûlée. Rafael Yaghobzadeh est lui aussi photojournaliste. Il couvre depuis longtemps le conflit en Ukraine et était l'ami d'Antoni. « Antoni malheureusement est le troisième collègue qui ne revient plus du Donbass en l'espace de dix ans. En 2014, j'ai eu un premier ami italien, Andrea Rocchelli, qui est mort à Slaviansk. Il y a eu aussi Arman Soldin de l'AFP. Pour me préserver et en étant pas mal entouré de fantômes dans cette région, je ne me suis pas concentré sur cette région, mais j'étais ravi que d'autres comme Antoni s'engagent et s'investissent à couvrir ce qui se passe dans le Donbass ».

    De nouveaux dangers pour les reporters en Ukraine

    Toutes nationalités confondues, 14 journalistes ont été tués en Ukraine depuis 2022. Ceux qui continuent de travailler dans la région doivent faire face à un nouveau type de danger : les drones, comme celui qui a causé la mort d'Antoni Lallican. « Des drones FPV, qui sont de petits appareils télécommandés avec un opérateur qui transportent des charges explosives », indique Pauline Maufrais, chargée de mission Ukraine pour l'ONG Reporters sans frontières. « Cette attaque de drone ciblée, qui est une attaque odieuse, elle a eu lieu à 20 km de la première ligne de front. Les risques pour les journalistes c'est que ces frappes soient beaucoup plus en profondeur et plus uniquement sur la ligne de front ».

    Ce nouveau type de menace peut-il pousser les journalistes à se détourner du terrain ukrainien ? « C'est sans doute l'un des objectifs visés par la Russie : de dissuader une couverture médiatique », répond Pauline Maufrais.

    Reporters sans frontières et les amis d'Antoni Lallican insistent pourtant : les médias doivent continuer de couvrir le conflit ukrainien. En offrant à leurs journalistes toutes les garanties de sécurité possible.

    À lire aussiUkraine: le photographe français Antoni Lallican tué dans une attaque de drone

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  • Afghanistan: Golali Karimi, journaliste, trois fois muselée par les menaces
    2025/10/04
    À 24 ans, Golali Karimi, journaliste afghane, a dû abandonner pour la troisième fois son métier. Partie d’Afghanistan en 2021 après la prise de pouvoir des Talibans, elle raconte une pression insupportable de la communauté pachtoune en France. Menaces de mort, intimidations et cyberharcèlement l’ont poussée à quitter son travail de présentatrice à Begum TV. Assise à la terrasse d’un café, Golali Karimi a retiré le masque chirurgical qui l’accompagne sur chacun de ses trajets. Maigre protection qu’elle a trouvée pour affronter la peur qui l’escorte au quotidien. Il y a encore quelques semaines, elle a été agressée verbalement par un groupe d’hommes dans le métro. « Dès mon arrivée en France, lorsque je suis sortie de mon hôtel dans lequel j’habitais provisoirement, on m’interpellait dans la rue », raconte la jeune femme. « Pourquoi tu n’as pas de hijab ici alors que tu le portes en Afghanistan ? Et ça ne m’est pas arrivé une ou deux fois, c’est très fréquent… » Sa célébrité précoce, acquise dans son pays d’origine, l’accompagne aussi en France, tout comme la haine qui l’a poussée à quitter de nouveau son métier de présentatrice pour Begum TV, chaîne de télévision afghane qui diffuse depuis Paris. Lorsqu’elle ouvre son compte Instagram où elle est suivie par près de 80.000 abonné(e)s, sa messagerie est remplie de messages haineux. Chaque jour, les insultes défilent. Parfois des menaces de mort. « J’étais une des rares femmes pachtounes à m’exprimer aussi librement » Devenue journaliste très jeune en Afghanistan, dans la province de Zābol, elle gravit les échelons rapidement. « J’étais une des rares femmes pachtounes à m’exprimer aussi librement, à parler du droit des femmes », se rappelle-t-elle. Son identité pachtoune, ethnie la plus importante du pays (NDLR : il existe aussi des pachtounes au Pakistan), explique selon elle en partie l'intensité du harcèlement qu’elle a toujours subi. Elle estime que les hommes pachtounes sont plus conservateurs. Dès ses débuts, elle raconte les menaces reçues par sa mère. Un climat qui la suit à Kandahar, puis à Kaboul où elle poursuit sa carrière notamment à la télévision pour Shamshad TV. Mais en août 2021, son destin, comme celui de son pays, bascule. Elle poursuit brièvement sa carrière, à tel point qu’elle décroche la première interview du porte-parole des Talibans fraîchement arrivé au pouvoir, Zabihullah Mujahid. « À ma deuxième question, je lui dis : mais le hijab ça n’est pas afghan, on l’a importé de l’étranger, se rappelle en souriant la jeune femme. Il me répond que non, que ça vient d’Afghanistan que sa mère et sa grand-mère le portaient ». Un échange qui intensifie la campagne de harcèlement et de menace, alors elle quitte cette chaîne de télé pour une autre. Mais pour elle, comme pour les 28 millions de femmes afghanes, la vie devient impossible. Golali Karimi part pour la France. « Cela fait plus de quatre ans que j’habite en France et c’est toujours la même chose, dans la rue, dans le métro ». Ses premières années sur le territoire, elle les passe dans différentes villes, notamment Dijon. Mais le calme des premières semaines ne dure jamais. Certains viennent même frapper à sa porte. « C’est un esprit libre, une jeune femme qui ne rentre pas dans les cases et c’est cela qui est combattu », estime Hamida Aman, fondatrice de Bégum TV, ex-employeuse de Golali. Un combat mené par des opposants à sa liberté, sa féminité décomplexée et son style : cheveux courts, maquillage et large sourire. « 3.000 messages » À plusieurs reprises, Golali Karimi va au commissariat, mais rien n’arrête ses détracteurs. Alors, elle reprend son métier, et devient présentatrice pour une émission culturelle en pachto de Bégum TV à Paris. « J’aime mon métier et j’aurais aimé le continuer, pour les femmes en Afghanistan » soupire-t-elle. Car une nouvelle fois, une émission va faire basculer les choses. Début août, elle déclame un poème et critique l’ex-président afghan Ashraf Ghani à l’antenne. Le harcèlement se décuple. « J’ai ouvert mon compte Instagram et j’avais reçu 3.000 messages sur la journée… ». Fragile après la perte de son père, elle abandonne le métier. « Mon travail se trouvait dans le quartier de la Chapelle à Paris où il y a une importante communauté afghane, j’avais trop peur ». Pour la troisième fois, deux fois en Afghanistan et une fois en France, elle abandonne le micro. « En tant qu’employeur, j'avais peur pour sa sécurité depuis longtemps, raconte Hamida Aman, elle a préféré partir parce que la pression était trop forte, et c’est malheureux ». Pour Golali Karimi, cette campagne de haine, physique comme numérique, est organisée ou incitée par des hommes. Dans certaines vidéos, sur Tiktok notamment, des influenceurs ...
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  • Philippines: Frenchie Mae Cumpio, un dossier monté de toutes pièces et cinq ans de détention provisoire
    2025/09/27

    Dans une lettre ouverte, 250 journalistes du monde entier demandent la libération de Frenchie Mae Cumpio. Cette jeune journaliste est en détention provisoire depuis cinq ans. Son procès doit reprendre ce lundi 29 septembre aux Philippines.

    À 21 ans, Frenchie Mae Cumpio animait des émissions de radio et dirigeait le média d'investigation philippin Eastern Vista. C'est également à cet âge qu'elle a été arrêtée et jetée en prison : elle a aujourd'hui 26 ans. Elle doit ces cinq années de détention provisoire à des accusations de financement du terrorisme et de port d'arme illégal.

    Pour Reporters sans Frontières (RSF), il s’agit d’un emprisonnement « politique ».

    Des preuves fabriquées par la police, selon un comité

    Beh Lih Yi, directrice du Comité pour la protection des journalistes en Asie, évoque également des accusations sans fondement : « Frenchie Mae Cumpio affirme que ses droits juridiques ont été violés. Lors de son arrestation, la police l'a tirée elle et ses co-accusés hors de leur chambre. Pendant ce temps, des armes ont été déposées par la police sur son lit. On les a ensuite interrogés sur ces pièces à conviction une fois ramenés dans la chambre. »

    Une des nombreuses irrégularités que l'enquête de RSF confirme. Cette dernière découvre même que Frenchie Mae Cumpio est désormais accusée d'un double meurtre. « Notre enquêteur sur place confirme en plus que les versions des témoins se contredisent avec ce qu’ils ont dit au tribunal, assène Aleksandra Bielakowska, porte-parole au bureau de RSF à Taipei et qui a piloté le cas. Ce seul élément devrait valoir l’arrêt des poursuites. »

    Frenchie Mae Cumpio enquêtait sur les abus de la police et de l’armée

    Avant son arrestation, la jeune journaliste a également été harcelée et surveillée pendant plusieurs mois. Il s’agit là d’une pratique récurrente de la police philippine, selon Beh Lih Yi : plusieurs cas de « red-tagging » (« étiquetage rouge », littéralement, qui qualifie les opposants politiques de « communistes », « subversifs » ou « terroristes »), concernent aussi les journalistes.

    Or, les reportages de Frenchie Mae Cumpio avaient toutes les raisons de déranger l'administration Rodrigo Duterte au pouvoir à l'époque. Elle enquêtait notamment sur les abus de la police et de l'armée.

    « Elle écrivait aussi beaucoup sur des enjeux locaux, abonde Beh Lih Yi du Comité de Protection des Journalistes. Elle vient de Tacloban, la ville la plus touchée par le typhon Hayian, l'un des plus gros de l'histoire. Elle faisait son travail de journaliste pour couvrir la reconstruction et mettre en lumière certains des problèmes qui en découlaient pour la communauté. »

    « Parodie de justice »

    L'instruction de son dossier est donc une « parodie de justice », s'exclame la rapporteuse spéciale de l'ONU sur la liberté d'expression. Entre-temps, le nouveau président philippin Ferdinand Marcos Jr. a pris ses fonctions. Les associations de journalistes attendent qu'il tienne ses promesses pour améliorer la liberté de la presse dans le pays.

    « Il y a certes un nouveau gouvernement central, mais les institutions locales sont plus résistantes au changement et peuvent être mi-démocratique mi-autoritaire, décrit Jos Bartman, responsable des enquêtes chez l'ONG Free Press Unlimited. C'est maintenant plus facile pour la société civile de parler aux autorités de ces sujets-là. Mais on voit que les cas comme ceux de Frenchie Mae Cumpio peuvent encore arriver sous la nouvelle administration, donc nous sommes un peu déçus. »

    Le procès de Frenchie Mae Cumpio reprend lundi 29 septembre. Les organisations internationales espèrent que les poursuites seront abandonnées.

    Reporters sans frontières

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  • Malawi: une presse sous pression, un débat présidentiel appauvri
    2025/09/20

    Au Malawi, enquêter sur la corruption coûte cher. Le journaliste Gregory Gondwe en a fait l’amère expérience. Une fragilité structurelle qui a pesé sur la couverture de la présidentielle.

    « La première enquête qui m’a mis en difficulté, c’est celle où nous avons tenté d’exposer une affaire de corruption facilitée au sein du bureau du procureur général ». En 2020, Gregory Gondwe, journaliste d'investigation révèle un document secret liant le procureur général au sulfureux homme d’affaires Zuneth Sattar, accusé d’avoir corrompu de nombreux ministres. La riposte est brutale. « Le procureur général a envoyé les forces de l’ordre perquisitionner nos bureaux. Ils les ont mis à sac, m’ont arrêté, et ils ont aussi saisi mes téléphones et mes ordinateurs pour essayer de découvrir qui était ma source », dit-il.

    Un témoignage qui illustre la persistance des menaces contre la presse au Malawi. Gregory a dû fuir le pays sous la menace des services de renseignement. Il dénonce une culture d’impunité inchangée, quel que soit le régime en place. « En tant que plateforme pour le journalisme d’investigation, nous sommes presque les seuls à révéler des malversations au sein du gouvernement, donc c’est nous qui en faisons les frais… La plupart des autres médias diraient le contraire car eux préfèrent garder un ton consensuel. Sur le papier, on pourrait croire que la presse est libre, mais si elle n’a pas d’ennuis avec le gouvernement, c’est parce qu’elle évite de lui poser les questions qui fâchent », explique-t-il.

    Cette autocensure a pesé sur la campagne présidentielle

    « Le gouvernement a réitéré les mêmes promesses qu’il avait faites il y a cinq ans et jamais tenues. Mais les journalistes n’ont pas posé la question difficile : comment être sûrs que ce n'est pas un mensonge ? ». Officiellement, la couverture médiatique est présentée comme un succès. Le Conseil des médias du Malawi met en avant la formation de centaines de journalistes et l’absence de plaintes majeures durant le scrutin. Mais pour son directeur, Moses Kaufa, la pression est avant tout économique : certains annonceurs, souvent proches de partis politiques, menacent de couper leurs financements si la couverture médiatique leur déplaît. « La publicité a été utilisée comme une arme pour attaquer ou museler les médias au Malawi. Nous voyons comment le monde politique ou économique a essayé d’influencer les journalistes avec des incitations financières. Cela a créé des conflits d’intérêts, empêchant les journalistes de servir pleinement le public. Comme les journalistes sont très mal payés au Malawi, ils essaient de compléter leurs revenus avec ce qu’on leur propose, et cela les rend vulnérables ».

    Beaucoup de rédactions restent dépendantes des financements politiques ou privés. Gregory Gondwe, lui, a cofondé une plateforme non lucrative avec d’autres médias indépendants d’Afrique australe, pour solliciter l'aide des fondations internationales. Une piste encore fragile, mais qui incarne l’espoir d’une presse plus libre et indépendante au Malawi.

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  • L’emprisonnement du journaliste Mario Guevara «est le signe d’une bascule autoritaire» des États-Unis
    2025/09/13

    Mario Guevara, arrêté alors qu’il couvrait une manifestation contre Donald Trump, passe son troisième mois en prison sans aucune accusation contre lui. Un dangereux précédent pour la liberté de la presse et la démocratie aux États-Unis.

    Il est le seul journaliste en prison aux États-Unis. Mario Guevara, journaliste salvadorien primé, présent légalement sur le territoire depuis 2004, a été arrêté en juin dernier en plein reportage. Il approche aujourd’hui des cent jours d’incarcération alors que toutes les poursuites ont été abandonnées.

    Le 14 juin 2025 était l'une des plus grandes journées de manifestation de l'histoire américaine. Environ cinq millions de personnes descendent dans les rues contre les politiques de Donald Trump. Ils scandent qu'ils ne répondent à aucun roi, aucun tyran. Parmi eux, des journalistes en reportage. Dont Mario Guevara. « Il suivait un cortège en Géorgie, dans une petite banlieue d'Atlanta », raconte Nora Benevidez, avocate chez l'organisation Free Press. « Il était clairement identifié comme journaliste grâce à son gilet avec le mot "Presse" écrit dessus. Et les policiers ont commencé à l'entourer. Ils lui ont demandé de quitter la rue. Rue où il n'était pas initialement. Mais en se repliant pour contourner la police, il a fini par emprunter cette rue ».

    À lire aussiÉtats-Unis: des manifestations anti-Trump à travers tout le pays, parade militaire pour le président

    « Un danger pour la société »

    Voilà Mario Guevara en garde à vue. Heureusement, toutes les poursuites sont rapidement abandonnées. C'est déjà une atteinte à la liberté de la presse, mais ça aurait pu s'arrêter là. Aurait pu car Mario Guevara reste incarcéré... La police de l'immigration intervient. « La raison invoquée par le gouvernement, c'est qu'il serait un danger pour la société. Et que ses diffusions en direct reviennent à surveiller illégalement la police, précise Nora Benevidez. Sauf que ce n'est contraire ni à la loi en Géorgie ni à la Constitution ».

    Ce journaliste qui a fui la censure du Salvador et réside légalement aux États-Unis fait désormais des allers-retours entre prisons locales et fédérales à cause de son métier. Mario Guevara se retrouve en fait pris entre deux feux. « Il y a deux tendances en jeu, estime Caroline Hendrie, directrice de la Société des journalistes professionnels : d'un côté, il y a une campagne anti-presse. De l'autre, il y a une campagne anti-migrants illégaux. Mario Guevara, même s'il est ici légalement, coche les deux cases ».

    Bascule autoritaire

    Les associations pour la liberté s'inquiètent en tout cas du précédent que cela crée. « Je pense que l'exceptionnalisme américain en ce qui concerne la liberté de la presse n'existe plus, assène Katherine Jacobsen, coordinatrice du Comité pour la protection des journalistes. Ce qui est le plus inquiétant, c'est pourquoi le gouvernement voudrait avoir Mario Guevara derrière les barreaux : tant qu'il y reste, il ne peut plus couvrir une communauté dont on parle déjà très peu ».

    Mario Guevara s'est construit une audience de centaine de milliers d'abonnés en documentant les raids de l'ICE contre les Latino-Américains. L'avocate Nora Benevidez va même plus loin : « Ce sont des signes avant-coureurs d'une bascule autoritaire. Les gens ont du mal à croire que ça puisse arriver aux États-Unis, mais nous y sommes déjà ».

    Les défenseurs de Mario Guevara s'attendent encore à de nombreux rebondissements judiciaires avant de le voir sortir de prison.

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  • Guinée-Bissau: les médias sous pression à l'approche de la présidentielle de novembre 2025
    2025/09/06

    Menaces quotidiennes, agressions, censure : les journalistes de Guinée-Bissau et leurs invités sont régulièrement la cible d'intimidations à l'approche du scrutin, présidentiel et législatif, prévu le 23 novembre. Dernier exemple, deux médias publics de l'ancienne puissance coloniale, le Portugal, ont été expulsés en août. Dans ce climat, certaines radios paient un lourd tribut à leur indépendance éditoriale. Capital FM, l'une des plus écoutées du pays, a été attaquée à deux reprises

    La Guinée-Bissau abrite de nombreuses radios privées et communautaires, avec pas moins de 88 stations. La plus populaire, Radio Capital FM, a été attaquée à deux reprises. « Les menaces que l’on reçoit sont fréquentes, nous en recevons presque tous les jours, raconte Lancuba Danso, directeur de l’information de la station. Mais nous avons aussi été physiquement attaqués. En 2020, des hommes ont envahi nos locaux, à l’aube, et ils ont tout saccagé. En 2022, à nouveau, des hommes armés et cagoulés sont rentrés dans notre rédaction, on les a vus casser tout le matériel et ils ont blessé sept de nos collègues ».

    Mais les journalistes ne sont pas les seuls à être menacés. Toute personne prenant publiquement la parole à la radio s’expose à de potentielles intimidations ou menaces, ce qui complique évidemment le travail des journalistes. « Quand on invite des chercheurs ou spécialistes, souvent, ils refusent, de peur de ce qui pourrait leur arriver. Et ceci parce que, malheureusement, en Guinée-Bissau, tout est politique, poursuit Lancuba Danso. La santé, par exemple. Le secteur a vécu plusieurs périodes de grèves cette année. L’invité ne pourra pas analyser la question sans mentionner l’inaction du gouvernement. Et s’il le dit, il aura des problèmes. »

    À lire aussiGuinée-Bissau: les autorités ordonnent la fermeture des médias internationaux portugais

    À l’approche des élections présidentielles et législatives prévues le 23 novembre la situation semble se tendre un peu plus. En août, les autorités bissau-guinéennes ont ordonné l’expulsion de deux médias publics portugais, fermant leurs bureaux et leurs émissions.

    Lorsqu'elle a pris connaissance de cette décision, la journaliste portugaise de l'agence de presse Lusa, Helena Fidalgo s'est dite « surprise » : « Je ne m’y attendais pas du tout ! Les autorités ne nous ont donné aucune explication claire et officielle. On attend de savoir ce qui va se passer. »

    Le Premier-ministre Braima Camará a rompu le silence des autorités autour de cette expulsion, en invoquant une question de « souveraineté nationale » pour justifier la décision.

    La veille, un autre journaliste de la chaine portugaise RTP, le Bissau-guinéeen Waldir Araújo, a été violemment battu en plein cœur de la capitale. La photo de son visage, tuméfié et ensanglanté, a rapidement circulé sur les réseaux sociaux, et Reporters sans Frontières a dénoncé cette agression. Les assaillants, masqués, auraient dit à Araújo qu’il mérite cette punition pour avoir terni l’image de la Guinée-Bissau.

    À lire aussiGuinée-Bissau: le président Embalo limoge le gouvernement à l'approche des élections

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