La nuit tombait sur les steppes russes.
Le front de l'Est s'embrasait de lueurs rouges.
Les batteries allemandes crachèrent le feu,
et les soldats du Reich s'agrippaient à leurs tranchées.
Mais ce qui leur glaçait le sang,
ce n'était pas seulement les canons soviétiques.
C'était un bruit,
un chuintement sec, presque imperceptible,
comme le froissement d'un balai sur le sol.
Les sorcières de la nuit arrivaient.
Nous sommes en 1942,
dans les heures les plus sombres de l'Union soviétique.
L'Armée rouge recule.
Les villages brûlent,
et Staline autorise enfin la création de régiments féminins.
Parmi eux,
le 588e Régiment de Bombardement de Nuit,
composé uniquement de femmes volontaires, âgées de 17 à 26 ans.
Ces pilotes, souvent étudiantes, institutrices ou ouvrières avant la guerre,
allaient devenir le cauchemar des nazis.
Leur monture?
Pas de Spitfire ni de Messerschmitt.
Non.
Les Soviétiques leur donnèrent des Polikarpov Po-2,
de frêles biplans en toile et bois,
initialement conçus pour l'entraînement et les épandages agricoles.
Lent, vulnérable,
incapable d'emporter de lourdes bombes,
mais d'une maniabilité extraordinaire.
Chaque appareil pouvait transporter seulement deux bombes de 50 kg.
Pour compenser,
elles devaient repartir jusqu'à 8, 10 fois par nuit, rechargées à la hâte.
Leur arme secrète n'était pas la puissance,
mais l'audace.
Arrivées près des lignes ennemies,
elles coupaient le moteur pour planer dans le noir.
Seul restait ce froissement sinistre des ailes en toile.
Aucun radar ne pouvait les détecter.
Aucun projecteur ne parvenait à les suivre longtemps.
Quand les Allemands levèrent les yeux,
il était déjà trop tard.
Les bombes pleuvaient sur les dépôts de munitions,
les convois,
les baraquements.
Paniqués,
les soldats du Reich leur donnèrent un surnom:
*Nachthexen*,
les sorcières de la nuit.
Car ce bruit de balai dans l'air,
associé aux explosions soudaines,
semblait relever de la sorcellerie.
Chaque mission était un pari avec la mort.
Les Po-2 étaient si lents
que les chasseurs allemands, comme les Messerschmitt Bf-109,
avaient du mal à les viser sans décrocher.
Mais quand ils y parvenaient,
le bois et la toile s'embrasaient aussitôt.
Les sorcières volaient sans parachute.
L'avion était trop léger pour supporter le poids.
Beaucoup savaient qu'elles ne reviendraient pas.
Pourtant,
elles riaient parfois de leur surnom
et gravaient sur les flancs de leurs avions des slogans rageurs:
"Pour Staline, pour la Patrie!"
Certaines revenaient les mains gelées aux manches,
incapables de les ouvrir sans aide,
mais prêtes à repartir dès l'aube.
En trois ans,
les sorcières de la nuit réalisèrent plus de 23 000 missions
et larguèrent plus de 3 000 tonnes de bombes.
23 d'entre elles reçurent le titre de "Héroïne de l'Union Soviétique".
Et jusque dans les cauchemars des soldats allemands,
ce chuintement resta gravé.
Le bruit léger d'un balai dans la nuit,
annonciateur du feu, de la peur et de la mort.
Elles étaient jeunes,
elles étaient femmes,
elles volaient dans des avions de bois,
et pourtant,
elles firent trembler la plus puissante armée du monde.
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