En cette fin d'année, RFI vous invite au cirque, mais côté coulisses, dans l'un des spectacles français les plus célèbres au monde : le cirque Bouglione. Son directeur technique explique les difficultés pour faire voyager ce spectacle à travers le monde.
RFI : Vous aimez dire que le transport pour le Cirque Bouglione, c'est d'abord transporter un village entier.
Thierry Bouglione : Le Cirque Bouglione se déplace avec 250 personnes, qui font partie de chaque trajet. Nous voyageons tous ensemble, les circassiens qui jouent devant le public, les musiciens, les mécaniciens, les caissiers, les soigneurs d'animaux et, évidemment, tout le matériel.
C'est-à-dire ?
Cela comprend le chapiteau capable d'accueillir 3 000 personnes. La structure est à monter et c'est une véritable salle de grand spectacle. Il y a aussi les cages d'animaux, le matériel de scène, les lumières, les instruments de musique, les costumes, le maquillage. Et bien entendu, les camions pour héberger nos équipes.
Quel est le pays le plus lointain dans lequel a joué le Cirque Bouglione ?
Le Japon. Nous y sommes allés en avion cargo. Un énorme convoi aérien avec 20 tonnes de matériel. Il n'y avait aucun passager. Moi, j'étais avec les pilotes à l'avant de l'appareil, en cabine de pilotage.
Le reste de l'avion contient des conteneurs ?
Des caissons dans lesquels il y a les parties du chapiteau, le matériel général et les cages des animaux. Ce sont des cages que nous avons fait fabriquer spécialement pour les tigres et les panthères. Ils peuvent y faire leur besoin avec une partie aménagée.
Avec parfois une surprise assez coquace à l'arrivée du voyage.
Parfaitement. Qu'il s'agisse de trajets sur les routes dans nos camions ou dans les avions, nous avons eu plusieurs mises bas, des naissances de petits. Le mouvement produit un effet plus spectaculaire sur les femelles.
Avec un stress particulier pour vos animaux sauvages ?
Bien, pas spécialement. Puisque les camions les bercent et qu'ils s'endorment facilement. Mais nous avons constaté des pertes de poids en camion, liées aux muscles qui travaillent davantage et différemment. En réalité, les animaux sont moins désorientés en avion car, une fois en vitesse de croisière en l'air, l'avion ne bouge pas. Ce qui est différent d'un trajet en semi-remorque sur les routes.
Et en avion, avec quelques désagréments que les humains subissent aussi.
En avion, l'altitude leur bouche les oreilles. C'est pourquoi, entre le départ de Paris et l'arrivée à Osaka au Japon, j'allais régulièrement donner aux félins des bouts de viande pour les faire mastiquer et saliver. Comme nous, humains, nous devons mâcher ou boire pour nous déboucher les oreilles.
Votre routine consiste à voyager en France et plutôt en Europe. Des destinations que vous rejoignez en camions. Mais des camions extraordinaires.
Effectivement. Notre convoi à chaque déplacement est un convoi exceptionnel de 25 mètres de long. Quatre semi-remorques à la « queue leu leu » avec des remorques derrière. Ce genre de convoi est réglementaire et uniquement réservé aux forains et aux équipes de cirque.
L'une de vos particularités étant des camions aménagés en hôtels roulants.
Oui, nos camions aménagés pour l'hébergement contiennent le confort de camping-cars avec des chambres, des cuisines, les machines à laver, les salles de bains...
La traversée en mer, cela vous est-il arrivé ?
Oui, la traversée pour rejoindre la Sicile par exemple. Là encore, ce sont d'énormes caissons embarqués sur le navire.
Une tâche colossale et un défi pour chaque voyage ?
Nous aimons notre métier et ce fonctionnement. Chaque fois, nous déplaçons notre petite ville car à la différence des concerts, des opéras, des chanteurs ou des orchestres, nous assurons toute l'infrastructure et notre logement sur place.
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